A l’heure de Noël – A.

Posted in Onirisme & rêverie réaliste, Poème on décembre 25, 2010 by Cendres

 

Le monde s’était tu; seul demeurait l’agréable crissement de la neige fraîche, s’épandant peu à peu en un tapis réparateur qui recouvrait les voies de chemin de fer, les raffineries, les immenses cheminées au sommet desquelles brûlaient les flammes immondes. Cette neige qui semblait recouvrir jusqu’à l’astre lunaire, opalescent et diaphane dans le ciel éteint. La nuit était claire, tout à l’heure. La fumée qui sortait de ma bouche s’étirait en volutes nuageuses, compactes et pourtant si cristallines qu’il me semblait les voir scintiller dans l’obscurité. J’exhalais profondément, avant de prendre une nouvelle inspiration à chaque fois, lentement. L’air glacé me pénétrait, transperçait mes poumons, m’arrachant un tremblement jouissif irrésistible qui s’étendait jusqu’à mes extrémités rougies. Je contemplais le calme spectacle qui s’offrait à moi, les faibles lumières des réverbères à travers le rideau floconneux, les friches industrielles ennoblies pour l’espace d’une nuit, les quelques arbres mystérieusement dressés sous cette avalanche silencieuse. Ce tableau, si riche de sens pour moi, m’hypnotisait, ramenait à la surface des souvenirs à demi effacés, des souvenirs d’une époque où la glace extérieure était lentement réchauffée par une petite flamme intérieure, par cette flammèche sur laquelle j’avais si imprudemment soufflé. Mon cœur ne se serrait plus à cette idée; l’on se fait suffisamment à l’impudence naïve que permet l’ignorance pour ne pas se la reprocher ad aeternam.

 

Un train passait dans ce paysage figé quand je décidai de l’appeler. Son spectre dansait parmi les ombres hivernales, se faufilait de porche en buisson, rampait d’allée en gouttière. Aucun malaise ne m’habitait, je me sentais seulement pressé par un besoin surnaturel de répéter le rituel au moment du solstice, de me rapprocher de la mort et de la renaissance. Le téléphone collé à mon oreille gelée me redonna un aperçu du réel, en l’espèce d’une légère douleur ainsi que d’une grande lourdeur; mes doigts gourds saisissaient mal le combiné, le laissaient exagérément glisser, ou s’y crispaient de manière incontrôlée. J’attendais. Ces secondes avant que la tonalité ne s’établisse me parurent durer des siècles; quant à celles, infiniment longues, que j’eus à supporter avant d’entendre la voix si familière et tant espérée au bout du fil, elles me firent penser à ces éternités maudites que l’on évoque pour mieux vendre la mort. Mais, survint le déclic. « Allô ? » Sa voix, immuable, telle que dans mes souvenirs successifs, exprimait toujours la même gamme de sentiments, ravivait devant mes yeux une peinture toujours aussi vivante, celle d’un caractère autant que d’un corps et que d’une âme, tous ineffables et simples. Je fermai les yeux. Je savourais le silence surnaturel qui régnait en ce lieu, sur ce perron déserté, dans ce quartier naufragé, dans ce monde enneigé. La voix répéta son interrogation, douce, souple et légèrement furtive. Comme elle l’avait toujours été. Le fantôme avait cessé de se faufiler vers moi; il attendait désormais, cois, dans le sillage de mes pensées follement calmées. Je sentais son souffle sur ma nuque, je vivais, pleinement.

 

Je pris la parole. Nous parlâmes, l’intimité délicate de ses intonations se mêlant à la grossière gravité de mes propos, fracassant l’harmonie étrange qui m’entourait, la renouvelant en une nouvelle sérénité. Le temps disparut, l’espace en fit de même, et nous nous retrouvâmes. Nous nous retrouvâmes comme nous ne nous étions jamais véritablement quittés, nous nous connectâmes l’un à l’autre avec humilité. Les vibrations musicales de ses paroles m’apprirent qu’elle avait trouvé son juste ton, celui qu’elle possédait déjà en chant depuis bien longtemps, et qu’elle cherchait toujours à acquérir pour les conversations usuelles. Je ne lui dis rien. Je ne lui avouai pas la déchirure, tranquille et profonde, intense de mélancolie, pas plus que je ne lui parlai de ce qui me hantait dans les ombres de chaque nuit. Je l’écoutais simplement parler, chantonner, rire, interroger, et je ponctuais cette magnifique symphonie de mes contraltos habituels. Je n’ai pas peur d’affirmer que nous étions bien. Bien comme nous ne l’avions plus été depuis… Le vent se levait peu à peu, soulevant déjà quelques tourbillons de poussière blanchâtre, transformant ce paisible linceul glacial qui enserrait le monde en une tremblante cape, exaltée par une improbable bise nordique. Je renâclais, je résistais, je rechignais : la nature n’aurait pas raison de ma vengeance sur la vie, pas ce soir. Les assauts se faisaient plus tranchants, certaines lames et autres bourrasques m’éprouvaient, m’arrachaient de l’auvent où je m’abritais, me portant comme des coups de dents ou de griffes dans le dos, tandis que tout disparaissait dans un terrible enfer blanc, où les vieux équilibres étaient bouleversés. J’étais avec elle, que m’importait tout cela ? La lutte dura encore des heures, ou peut-être quelques minutes; la conversation en fit autant, et je crois bien que ce furent des heures. Nous nous séparâmes d’un commun accord, enivrés de ces voix qui nous manquent si régulièrement, qui nous troublent à chaque fois que nous les entendons de nouveau, ces voix qui sont le plus sûr marqueur de nos changements et de nos permanences.

 

Vaincu, de mon propre fait, heureux par là-même, j’ignorai les dernières bourrades vicieuses du blizzard, les ultimes hurlements de la tempête sur mes pas, l’appel incessant d’un petit bosquet menaçant en contrebas, et retournai à l’intérieur. Derrière moi gémissait le vent, crissait la neige et soufflait en fulminant une partie de moi. Lorsque je fermai la porte, je crus entendre un bruit sourd, puis un choc. Ensuite, plus rien. Je m’y adossai. Sa voix était toujours là. Tout était toujours plus complexe, toujours plus éloigné, mais sa voix m’habitait à nouveau, remplissait ma tête, mon cœur, mes veines, mes muscles, le moindre recoin de mon être. Et le fol espoir d’un jour, tuer le spectre errant, afin que nous puissions enfin recommencer. Un jour…

Chronologie révélée : Histoire parallèle – Seconde partie

Posted in Réalités brumeuses; horreur au vitriol du quotidien with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on octobre 2, 2010 by Cendres

Entre les XIe et XIIe siècles : Une version latine du Cthaat Aquadingen est réalisée à cette époque (Keeper’s Compendium, Herber et al. (G)).

XIe siècle :  L’Église chrétienne essaie de détruire le culte de Sadoqua en Averoigne. Ses efforts sont réduits à néant quand le clergé local se joint au culte de Sadoqua.

1050 : Le Patriarche Michael, dérangé par des rumeurs à propos d’expérimentations avec le Necronomicon, fait brûler de nombreuses copies du livre. Selon Olaus Wormius, dans son introduction de l’édition latine, toutes les copies connues de la version arabe sont alors détruites.

Entre 1095 et 1099 : A l’époque de la première croisade, un Nordique débarque sur l’île de Bal-Sagoth, réputée pour être l’ultime fragment de l’Atlantide disparue. A cet endroit, les natifs perfectionnés adorent un dieu nommé Gol-goroth.

1099 : Une copie de l’Al-Azif est trouvé à Jérusalem. Elle est finalement remise dans les mains du Comte de Champagne, qui forme un ordre de chevalerie, connu comme les Templiers, afin de la garder.

1100 :  Une traduction bulgare du Necronomicon est effectuée (Ex Libris Miskatonici, Stanley).

XIIe siècle : La Confrérie de la Bête est fondée en mémoire de Nophru-ka.

Bartolomeo Corsi, un moine florentin, est possédé par un de la Grande Race de Yith, et devient subséquemment fou. Il est finalement exilé sur l’île de Stromboli où il rédige le Harmaticon.

Ibn Khallikan écrit une biographie d’Abdul Alhazred.

La seule version averoignienne du Livre d’Eibon, au Vatican, disparait.

1135 : La construction de la cathédrale de Vyones débute.

1138 : En novembre, une série de meurtres brutaux et d’autres évènements dérangeants apparemment perpétrés par des « démons » se produit à Vyones. Au milieu du mois, ces troubles disparaissent comme ils étaient apparus.

1166 : Un homme nommé Azédarac vient afin d’occuper la position d’évêque de Ximes.

1175 : Durant l’été, le frère Ambroise disparait à l’auberge de la Bonne Jouissance, en Averoigne, après avoir bu un coup de vin rouge.

1198 : L’évêque Azédarac meurt apparemment. Il est cannonisé comme Saint Azédarac.

XIIIe siècle : Adolphus Clesteros écrit le Kagwamon K’thaat. Le livre est rédigé dans une langue de l’invention de l’auteur, et une seule copie en est faite.

Une des deux copies grecques du Testament de Carnamagos est détruite par l’Inquisition.

Une traduction en français vernaculaire du Necronomicon est effectuée, et trouve sa place dans les collections de plusieurs monastères du Sud de la France.

Le clergé local d’Avebury entreprend de déplacer certaines pierres dressées de la région, efforts continués jusqu’au XIVe siècle : la plupart des pierres sont détruites.

Le bâtiment plus tard connu sous le nom de « Maison Delaware » est construit par Sir Ranulf De la Weir sur le site de ruines saxonnes, près de la ville actuelle de Weirton, en Angleterre.

1204 : Sedefkhar, possesseur du Simulacrum qui porte son nom, est tué lors de la mise à sac de Constantinople par les croisés de la quatrième croisade. Durant la même attaque, le manuscrit original du Necronomicon de Theodore Philetas ainsi qu’une copie du Peri ton Eibon sont détruits par les prêtres catholiques romains.

1228 : Olaus Wormius (un moine, pas le fameux docteur plus tardif) traduit le Necronomicon grec en latin. Il nomme sa traduction le De Normis mecium.

1230 : Le futur sorcier, Nathaire,nait à cette date.

Un homme clamant être frère Ambroise apparait à l’auberge de la Bonne espérance (anciennement auberge de la Bonne Jouissance), puis disparait.

1232 : Le pape Grégoire IX bannit les versions grecques et latines du Necronomicon.

1240 : Gaspard du Nord traduit le Livre d’Eibon en français « normand ». C’est probablement aux alentours de la date de cette traduction qu’il a écrit son commentaire, « Sélections du Livre d’Ivon », qui inclut des sorts permettant de protéger celui qui lirait l’ouvrage.

1261 : Le roi Henri III d’Angleterre remet le site du prieuré d’Exham à Gilbert de la Poer, connu comme le Baron d’Exham. Le bâtiment lui-même est construit au dessus des ruines existantes quelques temps après.

1271-1272 : La huitième croisade avorte. A en croire Ludwig Prinn, il fut l’unique survivant de cette expédition; mais son assertion est au mieux douteuse puisqu’il mourut plus de 250 plus tard. Il fut capturé par les Sarrasins, et étudia les Antiques mystères de l’Egypte et de l’Orient avec des mages syriens et d’autres chercheurs de l’occulte.

1278 : Nathaire est caillassé par une foule haineuse, en raison de la sorcellerie dont on l’accuse, ce qui a pour résultat de le laisser estropié à jamais. Il ne pardonnera jamais cet incident.

1281 : Au début de l’été, le mage Gaspard du Nord dissipe le travail sorcier de son ancien maître maléfique, Nathaire. Ceci sauve la cité de Vyones et donne à Gaspard une immunité complète pour échapper aux persécutions de l’Eglise.

XIVe siècle : Le Cthaat Aquadingen est traduit en anglais.

Selon certaines sources, l’édition hyperboréenne du Livre d’Eibon a survécu jusqu’à cette époque.

1307 : Les Chevaliers Templiers sont dissous par le roi Édouard II. Après cela, certains des anciens Templiers établissent le village de Goatswood dans la Severn River Valley. Certains autres ex-Templiers s’installent dans la ville voisine de Temple Hill (plus tard Temphil) et essaient de s’assimiler dans les communautés religieuses locales, avec peu de succès.

Une chronique fait référence à la famille de la Poer comme « maudite par Dieu ».

1315 : Enguerrand de Marigny, un fonctionnaire du tribunal et ancêtre de Etienne-Laurent et Henri-Laurent de Marigny, est exécuté à partir de fausses charges de sorcellerie.

1369 : Été 1369, une comète rouge annonce l’arrivée de la « Bête de l’Averoigne ». Celle-ci est finalement défaite par le mage Messire Luc de Chaudronnier. Le clergé local l’avait supposé venue des Cercles de l’Enfer, et avait commencé à la traquer religieusement; mais les croix, l’eau bénie et les prières n’eurent aucun effet sur elle, et elle s’attaqua aux moines, les décimant méthodiquement.

1373 : A cette date, la copie latine du Necronomicon au Louvre avait disparu.

XVe siècle : Une traduction assez imparfaite du Livre d’Eibon en anglais est réalisée (Keeper’s Compendium, Herbe et al.). Selon la rumeur, les Manuscrits Pnakotiques sont publiés en anglais par un traducteur anonyme, environ à la moitié du siècle.

Vers 1400 : Un homme décrit comme une « goule » est enterré dans un cimetière en Hollande, avec une amulette en jade du « culte des mangeurs de cadavres » du haut plateau de Leng.

1419 : Le Duc de Bourgogne meurt. Peu de temps avant cela, sa copie du Livre d’Eibon averoignais disparait.

1472 : Une version du Necronomicon d’Olaus Wormius en latin est imprimée à Lyon, France.

XVe siècle tardif : Une impression en caractères noirs du Necronomicon latin est réalisée en Allemagne.

1484 : Selon certains, il s’agit de l’année où le De Vermis Mysteriis est écrit. Cependant, la plupart des éléments de preuve à notre connaissance rendent cela improbable. Il aurait ensuite été imprimé en 1490.

Vers 1500 : Une édition allemande du Necronomicon est publiée cette fois à Wurttemburg.

XVIe siècle : « Les monstres et leurs Genres » est compilé par un auteur inconnu, utilisant probablement de nombreux autres textes du Mythe comme sources. Une seule copie recensée existe encore. La source dit aussi qu’aux alentours du XVIe siècle, un manuscrit anglais partiel du Livre de Dyzan commence à circuler.

1501 : Une édition in-folio du Necronomicon grec est effectuée sur des presses d’imprimante en Italie, conduisant à sa suppression par les autorités religieuses.

Vers 1512 : Le futur conquistador, Panfilio de Zamacona y Nuñez est né.

1515 : François Ier s’empare d’une copie latine du Necronomicon quand il conquiert Milan. Il la donne finalement à Leonardo de Vinci.

1519 : Leonardo de Vinci meurt, et le contenu total de sa bibliothèque est dispersé. Parmi les livres perdus, éparpillés aux quatre vents, se trouve sa copie du Necronomicon latin, donnée par François Ier.

1526 : Une armée musulmane marche aux environs de l’actuelle ville de Stregoicavar, en Hongrie. Dégoûtée par la secte odieuse qu’elle y découvre, elle extermine celle-ci ainsi que la plupart des habitants de la région.

1527 : John Dee est né.

Vers 1530 : Le double original du Livre de Dyzan de la Bibliothèque impériale chinoise est volé.

1532 : Panfilio de Zamacona y Nuñez quitte son port natal de Luarca pour le Nouveau Monde à l’âge de 20 ans. Il accompagne plus tard Coronado dans son expédition à travers les Etats-Unis occidentaux modernes.

Entre 1540 et 1808 : A cause de l’Inquisition, les ancêtres supposés sorciers de Simon Maglore quittent l’Italie et émigrent au Nouveau Monde.

1540 : Ludwig Prinn est emprisonné par l’Inquisition romaine.

1541 : Coronado revient de ses explorations. Dans le même temps, Panfilio de Zamacona y Nuñez les poursuit seul à partir du 7 octobre de cette année, découvrant finalement le la civilisation souterraine de K’n-yan. Il lui est interdit de d’en partir, et il est en fin de compte tué dans une tentative de fuite.

1542 : Ludwig Prinn est censé avoir écrit le De Vermis Mysteriis dans sa cellule inquisitoriale. Pourtant, un mystère et une erreur persistent : c’est dans sa geôle, en attendant son procès, que Prinn rédigea De Vermiis Mysteriis; or, Prinn a été exécuté en 1541. Pour une raison et par un procédé inconnus, le manuscrit quitta sa cellule et fut imprimé à Cologne en 1542, ce qui parait beaucoup plus probable. On peut supposer que c’est grâce à ses liens avec les chevaliers Teutoniques (ils avaient rompu leurs liens avec l’Eglise en 1522 et s’étaient joint à Luther) que ce livre maudit a pu franchir les grilles des prisons inquisitoriales.

John Dee entre à Cambridge à l’âge de 15 ans.

1543 : Une édition latine du De Vermis Mysteriis est déjà publiée à Cologne.

Vers 1550 : Les Portugais sont les premiers à apercevoir la ville des « Pêcheurs d’outre-monde » au Zimbabwe, qui apparaissent et disparaissent à travers les âges.

Le Necronomicon est traduit en russe cette même année.

Entre 1558 et 1610 : Un Sire Randolph Carter, ancêtre de l’homme qui portera le même nom et s’illustrera par son voyage dans les sphères du rêve, étudie la magie durant le règne de la reine Elizabeth Ière.

1558 : Elizabeth Ière accède au trône de Bretagne. John Dee est en très grande faveur auprès d’elle.

1567 : Une édition italienne du Necronomicon grec est publiée.

1569 : Le Pape Pie V bannit le De Vermis Mysteriis.

1573 : La traduction anglaise du De Vermis Mysteriis par le notable magicien (et charlatan)  Edward Kelley est publiée à Londres.

XVIe siècle tardif : Une secte d’adeptes de Yog-Sothoth est fondée dans les montagnes incultes de Roumanie. Leur meneur est un homme nommé Chorazos, et ils sont ainsi appelés le Culte de Chorazos.

1576 : Miguel Cervantes est tenu comme un esclave particulier et prisonnier à Alger. Alors sur place, il écrit son Don Quichotte. Selon certains, il réalise aussi une traduction espagnole du Necronomicon (lourdement expurgée), qu’il intitule El libro de los Normos de los Perdidos.

1579 : Miguel Cervantes complète son El Libro de los Normos de los Perdidos; plus tard dans l’année, sa captivité s’achève enfin.

1581 : John Dee commence ses expériences afin de lire dans le cristal, qui l’amènent finalement à son premier contact avec des « anges » par le biais de l’aide d’Edward Kelley. Les anges dictent leur langage, dit « enochien » à Dee.

1583 : John Dee et Edward Kelley commencent leur voyage à travers l’Europe.

1586 : John Dee et Edward Kelley arrivent à Prague. Alors sur place, Dee trouve une copie du Necronomicon latin, qu’il traduit alors immédiatement en anglais. Il ajoute aussi des matériaux à partir d’un manuscrit grec dont un noble Transylvanien est en possession, et ses propres commentaires sur certains sujets.

1587 : L’arrangement de John Dee avec Edward Kelley commence à virer à l’aigre lorsqu’un « ange » apparait et leur commande de partager leurs femmes en commun.

1589 : John Dee retourne en Angleterre pour y découvrir que sa maison et sa bibliothèque ont été ravagées par une foule d’individus. Il est nommé pour être le directeur du Christ’s College à Manchester, mais il y est malheureux et retourne finalement chez lui, à Mortlake.

1591 : Un homme nommé Claes van der Heyl effectue quelque chose d’horriblement spectaculaire, plus tard noté par l’occultiste Alonzo Typer.

1593 : Le célèbre dramaturge anglais Christopher Marlowe meurt dans une bagarre de taverne. Un de ses travaux, Le Roi en Jaune, est incomplet, avec en tout et pour tout deux scènes écrites. William Shakespeare et John Croft essaient de le compléter, mais les scrupules de Shakespeare rendent la tentative infructueuse.

1594 : Le Culte de Chorazos est chassé de Roumanie et déménage en Angleterre, où il bâtit un temple à Finchley. Etrangement, le culte est appréciée de la reine Elizabeth.

1595 : Plus tard dans l’année, l’ancien dirigeant du Culte de Chorazo le chasse de Londres pour des raisons obscures. Les adeptes se déplacent jusqu’à une demeurent connue sous le nom « Les chênes ».

La Daemonolatrie de Remigius est publiée à Lyon.

1596 : « Les Chênes » est brûlée par des villageois en colère, et les quelques survivants du Culte de Chorazo (y compris leur fondateur) effectuent une retraite en Ecosse. Peu de temps après cet épisode, les habitants locaux de leur nouvelle zone d’installation détruisent la secte une fois pour toute, après un certain nombre de mystérieuses disparitions.

1598 : La traduction partielle (et confuse) de l’édition latine du Necronomicon par le Baron Frederic du Sussex est publiée dans une édition in-octavo, sous le titre Cultus Maleficarum. Celle-ci est par la suite connue sous le nom du Manuscrit du Sussex.

Le Fishbuch de Konrad von Gerner, fameux naturaliste/biologiste suisse, est publié.

Vers 1600 : Un météor contenant une cité alienne s’écrase dans la Severn Valley. L’être connu sous le nom de Glaaki vit en son sein. Le cratère du météor se remplit lentement avec de l’eau, pour devenir un vaste lac.

Selon certaines rumeurs qui voudraient que Morgan Smith ait vécu plus de 300 ans en échange de sa servitude auprès de Nyarlathotep comme corps hôte, Smith serait né aux alentours de cette époque.

XVIIe siècle : La petite ville allemande de Freihausgarten commence à vénérer le Grand Ancien Cyaegha.

Selon certains, c’est durant ce siècle que Eberhard Ketzer, un membre de la cour du roi de Prusse, qui venait de Schleswig-Holstein, écrit le Die Geschichte den Planeten. Si cela s’avère exact, alors « L’Histoire des Planètes » n’est jamais qu’une traduction française de ce travail.

Une île de la rivière de Serven, près de la ville de Severnford est le témoin de sabbats de sorcières durant tout le siècle.

Le livre « Vraie Magie » de Theophilus Wenn est généralement daté de cette époque, bien que certains prétendent qu’il provient des temps médiévaux, et que Theophilus ne se serait fait que le continuateur de cet écrit.

XVIIe siècle précoce : Selon la rumeur, au moins deux copies tibétaines des Sept Livres cryptiques de Hsan sont sortis clandestinement du Tibet par les prêtres dominicains, qui les donnent à la bibliothèque papale, au Vatican.

1600 : Le Unter Zee Kulten de Graf Gauberg est écrit. Selon encore plus de témoignages traditionnels, la plupart des copies de cet ouvrage sont détruits à la fin de ce siècle.

1608 : John Dee meurt à Mortlake.

Entre 1610 et 1625 : Durant le règne du roi James Ier et après 1610, Walter de la Poer massacre son entière famille décadente et quitte sa demeure du prieuré d’Exham.

Entre 1610 et 1643 : Pierre-Louis Montagny, un Français âgé vivant sous le règne de Louis XIII, est parmi ceux qui échangent leurs esprits avec un Yithien.

Vers 1611 : Sous le règne du roi James Ier, un universitaire impliqué dans une traduction de la Bible du roi James traduit en parallèle le Livre d’Eibon en anglais.

1612 : Une sorcière du Lancashire nommée Liz Southern est exécutée.

1616 : Le capitaine John Smith, alors qu’il explore les côtes de la Nouvelle-Angleterre, découvre le Récif du Diable au large de la côte de l’actuelle Innsmouth et lui donne son nom.

1618 : La plus grande partie de la maison d’une famille qui était en cheville avec les de la Poer du prieuré d’Exham ainsi qu’avec les moines du château de Falstone est détruite par le feu. La propriété revient plus tard à la famille Marriot.

1623 : Une version du Necronomicon de Wormius est imprimée en Espagne.

1627 : Un prêtre dont le nom est inconnu vole une copie du Necronomicon grec au Baron Hauptmann de Roumanie.

1630 : Le 10 mars, date possible pour la naissance de John Grimlan, si l’on croit qu’il était vieux de 300 ans quand il mourut.

Entre 1632 et 1680 : Des portions entières du Necronomicon circulent librement et sauvagement en France, et sont utilisées comme des matériaux rituels pour de nombreuses messes noires durant cette période.

1635 : Antoine-Marie Augustin de Montmorency-les-Roches est né. Selon certains, il est plus tard connu comme le Comte d’Erlette, auteur du morbide Cultes des Goules.

1636 : Jean-François Charriere nait à Bayonne, France.

1638 : Hendrik van der Heyl émigre en Nouvelle-Hollande (plus tard New York).

1639 : Des colons venus de l’Angleterre du Sud et des îles anglo-normandes fondent Kingsport sur la côte du Massachusetts, au Sud de l’actuelle Arkham. Kingsport devient rapidement un centre majeur pour la construction navale et le commerce maritime.

Entre 1639 et 1692 : Un culte s’élève progressivement dans les rues et ruelles, dans les caves et les greniers de Kingsport, avec des meetings tenus dans l’Eglise congrégationnelle de la ville.

1641 : Le livre « Ma compréhension des Grands Textes » de Joachim Kindler est imprimé dans la cité de Buda. Le livre expose principalement des vues sur une version du Necronomicon en goth, la langue d’anciennes tribus germaniques. Ce Necronomicon a la réputation d’éluder toutes les allégories et les zones d’ombres des autres versions, et est pour cela bien plus dangereux que n’importe laquelle d’entre elles.

1643 : La ville d’Innsmouth est fondée au Massachusetts.

Les Shan quittent L’gy’hx et voyagent jusqu’à la Terre, atterrissant près de Goatswood; ils y découvrent qu’ils ne peuvent pas repartir. Eux et leurs servants (nommés dans certains textes Xiclotl) commencent à prêcher aux villageois voisins. Une mystérieuse assemblée commence à se réunir dans les bois au dehors de Goatswood, pour d’étranges cérémonies.

1644 : A l’automne, le chasseur de sorcières Matthew Hopkins détruit un culte à Brichester et emprisonne un « monstre hobgobelin » portant le signe des Anciens.

1647 : Le Liber Damnatus Damnatiorum, par Janus Aquaticus, est publié à Londres.

Vers 1650 : Une copie chinoise des Chants Dhols est trouvée dans un monastère asiatique.

Entre 1651 et 1658 : A l’époque où Oliver Cromwell était Seigneur Portecteur de l’Angleterre, James Woodville du Suffolk échange son esprit avec un Yithien. Après être restauré dans son corps d’origine, Woodville écrit un livre nommé « L’intelligence merveilleuse », qui détaille sa vie sexuelle inhabituelle ainsi que la Grande Race de Yith.

1652 : Le chasseur de sorcières Matthew Hopkins arrive dans la vallée de Severn. Parmi les victimes de son inquisition se trouvent l’entière communauté du culte mal documenté de Goatswood.

1653 : Le Chronike von Nath est écrit par Rudolf Yergler, un mystique allemand. Peu après qu’il l’ait complété, il devient aveugle. Les autorités allemandes placent Yergler dans une maison de fous de Berlun après la parution de son travail, et tentent de supprimer le livre. Yergler meurt rapidement par la suite (décès inexpliqué).

Jean-François Charriere commence ses études à Paris, sous la tutelle de Richard Wiseman, alors en exil.

1656 : Jean-François Charriere termine ses études sous la protection de Wiseman et commence alors ses recherches personnelles.

1657 : L’ordre des Maîtres du Crépuscule d’argent est fondé.

1662 : Un texte latin du Livre d’Eibon est imprimé à Rome. Il est probablement basé sur la traduction de Faber du IXe siècle.

1663 : Le mage Nicolas Zegrembi traduit le livre depuis lors connu comme le Manuscrit de Zegrembi à partir de l’original, situé dans une univers alternatif atteint grâce à la méditation et à de puissants psychotropes. Il le copie en trois langages, des hiéroglyphes extra-terrestres, un alphabet pseudo-runique ainsi qu’en latin.

Le 18 février nait Joseph Curwen, dans l’actuelle Danvers, Massachusetts.

Vers 1664 : Le kabbaliste Nathan de Gaza fait circuler parmi ses confrères le Sepher ha-Sha’are ha-Daath, qui est un commentaire sur un travail qu’il nomme le « Livre de l’Alhazred » (connue pour être une traduction hébraïque du Necronomicon).

Vers 1665 : Le Cultes des Goules est terminé à cette période.

1666 : Nathan de Gaza est discrédité lorsque le prétendu Messie, Shabbetai Tzevi, qu’il supportait ardemment, se convertit à l’Islam.

Les sections du Roi en Jaune écrites par Shakespeare/Croft sont détruites dans un incendie domestique, mais les sections rédigées par Marlowe sont accidentellement égarées dans un livre de poésie sauvé par la femme du propriétaire, et ainsi préservées.

Le 2 septembre, le Grand Incendie de Londres dévaste la ville anglaise. Certains suggèrent que c’est une invocation d’un serviteur de Cthugha qui a déclenché le feu.

Durant le Grand Incendie de Londres, Nicholas Zegrembi s’enfuit avec le Manuscrit de Zegrembi et ses autres documents, semblant fuir quelque force qu’il ne nomma jamais, pour s’établir dans le village de Torpoint. Plusieurs années après, il disparait et sa bibliothèque est brûlée par le clergé local. Il semblerait cependant qu’un culte secret ait sauvé le Manuscrit de Zegrembi pour son usage particulier.

1670 : Le lignage de Ward Phillips peut être repéré par les généalogistes jusqu’à cette date.


Chaudière, vapeurs et effluves : éloge de la nullité II

Posted in Réalités brumeuses; horreur au vitriol du quotidien on septembre 9, 2010 by Cendres

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Qu’il est doux de penser à ces ingénus

Ouates impériales, palais entr’aperçus

Gonflements de voiles et continents perdus

Ces nuages à la destination inconnue.

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Ils sont là, témoins déjà révolus

Lancinantes fumées, monstres dodus

Protecteurs oubliés, rêves charnus

Ces nuages, bien loin au dessus.

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Vaisseaux mamelus et ventrus

Égarés et errant par les nues

Éphémères sucreries moussues

Ces nuages, qui n’existent plus.

F. de S.

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La subtile liaison de mon âme et de mon cœur évolue. A évolué. Évoluera. Face aux phalanstères de théoriciens de notre époque, et à leurs plaidoiries amphigouriques, je m’élève, clair, net, tranchant. Acéré. Je sais que le monde est laid; mais je sais aussi qu’il n’en a pas toujours été ainsi. En opposition aux chantres de l’asymptote téléologique, aux hérauts des sectes pyrrhonistes les plus politisées, les plus rances et les plus haïssables, je me tourne vers le passé afin de trouver les réponses. Ce passé étouffé, étranglé, violé et assassiné sans vergogne, cette Histoire magistrale qui a le tort d’avoir existé a contrario des principes précaires et vacillantes de la religion humaniste devenue européenne. La mondialisation galopante de notre temps, grand Moloch des consciences et des esprits, déstabilisatrice des équilibres culturels et des particularismes régionaux, agit comme un acide sur mes semblables et moi. Nous nous mourrons d’une telle médiocrité, nous suffoquons sous la contrainte conjointe des peuples martyrisés et aveugles, ainsi que sous celle de cette Bête Immonde relâchée sur nos aspirations. Et tout cela prend ses origines dans la fameuse Révolution, 1789, sang versé, apostasie, félonie suprême, trahison éternelle, cri perçant dans le tumulte de l’infini.

Ah ! Quelle fête que la révolution ! Quel opéra ! Quel spectacle grandiose, total ! Quelle orgie de sensations ! Quelle suite d’extase ! C’est le géant psychodrame, la grande décharge, l’orgasme en chaîne, la suprême catharsis. On fait sauter les pans du mur d’un étouffant passé. Les claustrophobes de la morale et de la loi éventrent portes et fenêtres pour laisser s’engouffrer les vents d’orage. Une grisante électricité horripile délicieusement les appétits bestiaux des uns et des autres.

Bonheur, justice ? Fadeur, fadaises, foutaises ! Aucun ciel bleu ne vaut le romantisme des horizons sanglants traversés des drapeaux noirs, pour mettre en valeur les profils des tribuns. Et comme le fanatisme maquille massacres et incendies aux couleurs du devoir, quel pyromane n’en profiterait pas pour bouter le feu à la baraque sous prétexte de la désinfecter ?

Explosions. Feux de salve. Chienlit. Cervelle répandue aux marches des palais. Il est connu que les escaliers se prêtent aux effets dramatiques. Les corps constitués vacillent avant de s’effondrer, sanguinolents de démentes et successives attaques. Enchevêtrement de mégalomanes à l’assaut des tribunes. Que c’est beau ! Doigts tendus. Catilinaires. Manifestes. Grandes embrassades. Trahisons. Vengeances. Hoquetantes et majestueuses fontaines d’hémoglobine sur places publiques. Sadomasochisme. Les endocrines surbavent de ravissement. Les hormones promènent des chatouilles de haut en bas. Résurgences d’instincts paléolithiques, que dis-je, pré-hominiens. Hérédité de la brute verticale. Pugnacité inscrite dans la double hélice depuis le tertiaire. Du pithécanthrope, nous avons perdu faute d’entraînement le don télépathique et l’hypermnésie à ras de terre, la subtilité des sens et la peur du noir, toutes qualités nécessaires à la survie naturelle, mais devenues plus ou moins caduques. Le rut a cessé d’être saisonnier, gagnant en durée sur ce qu’il avait perdu en violence. Mais le vieux sadisme, fonction peu à peu inutile, fait encore de temps à autres écumer la horde.

Il existe une frénésie cachée dans l’homme, comme une eau bouillante emprisonnée sous quelque anticlinal du crâne : elle est la chaudière naturelle des âmes bien trempées. Énergie chez d’autres sans emploi, elle jaillit en vapeurs brûlantes par les fentes des cerveaux fêlés, peu aptes aux œuvres de longue haleine. Dévastatrice, elle donne aux minables et aux détraqués de grisantes sensations de puissance, quand une minute leur suffit pour réduire en poudre le travail séculaire des géants qui les ont précédés. A provoquer l’écroulement du Temple, on croit se dresser en l’égal de ses bâtisseurs alors qu’on en est seulement l’inverse, au-dessous de zéro. Patrie, entend le thrène honteux de tes enfants ignorants ! Vois la misère dans laquelle ils vivent, et constate qu’ils ne s’adressent toujours pas à toi, Mère bénie et aimante. L’origine des maux est plus sombre que ce qu’ils s’imaginent, et poser des mots dessus serait renier ce qu’ils ont toujours été : de lamentables individus, voués au compromis et à la honte inconsciente, et auxquels les broderies amoureusement passementées, les atours et les ors crépusculaires de leur Patrie seront toujours refusés.

Ma force commençait à se consumer dans une bibliothèque, une caserne, quand la guerre éclata. Les murs que je désespérais de briser se renversaient au souffle des trompettes. Je crus à Marathon. Des jeunes hommes, nus sous le fer, s’élançaient. Leur lance séparait les flots barbares. Ils gagnaient le cent dix mètres-haies. Ou bien, par une complaisance vicieuse, je me serais contenté de Waterloo, de la défaite romantique : le dernier reflux de la chair française sur le monde, le feu immolant le reste de cette belle vie.

Drieu la Rochelle, Mesure de la France.

Crépusculaires, car nous assistons aux ultimes heures de la connaissance de ce qui fut et de ce qui fait une Patrie, une terre, un peuple; cette peur, déjà présente et structurante il y a de cela un siècle, est désormais devenue menace concrète, sous laquelle nous ne pouvons voir d’espoir autre qu’un sursaut. Mais partout, la même réponse gravée et burinée sur les visages, qui hurle et clame le déni de son sang, qui brandit l’étendard de la mollesse et de la repentance; horrible reddition sans combattre, ethno-masochisme poussé à son extrême, vérité odieuse qui se tapit en chacun de nous. Il nous manque une Vulgate, un référent, une référence; il nous manque une croyance. Or, il faut embobiner des kilomètres et des kilomètres de phrases solénoïdales autour des âmes, en permanence, pour y entretenir le flux vivifiant d’une croyance. C’est ce que l’hyperclasse a compris, c’est ce que la bourgeoisie apatride de notre siècle a intégré, et c’est ce que traduisent physiquement ces laborieuses et affreuses transformations du paysage : dévastations mortelles, outrages mortifères, ouvrages ricanant et blasphémant à la face du Ciel, défiant ouvertement mon Amour et ma Haine, défigurant sous un linceul puant le blanc manteau des neiges chrétiennes passées. Faillite de la morale, société sans éthique pour y remédier, je me vois perdu dans un multi-monde, où l’illusion d’un village planétaire prend tout son sens. Ma sensibilité n’est pas miscible, j’ai la nausée, l’on m’agresse de toutes parts avec des boniments et des salamalecs de foire, un concert de voies et de voix m’assaillent, tentant de me charger de leur bric-à-brac idéologique, de leur fourbi philosophique, de leurs déchets culturels. Je suis submergé par la foule des camelots du monde un et indivisible, et je lance cet appel de détresse à mon reflet, étonné.

Je hais cette époque, je l’abhorre plus que tout, je l’exècre, mais je déteste plus haut que tout ceux qui nous y ont mené; si l’Histoire et la progression humaine sont comparables à un fleuve dont on ne connait pas le cours, et à une embarcation qui y chemine péniblement, quelque mauvaise barque, alors il est temps d’en rougir à nouveau les eaux, en invertissant les rôles afin de conjurer cette malédiction, cet anathème jeté sur notre Destinée; il est plus que temps de faire payer ceux qui surent si gracieusement nous détruire et nous dissoudre, avant de mieux nous mener pieds et poings liés face à une adversité qu’ils ont contribué à créer, sinon qu’ils ont généré par eux-mêmes. Je suis las des rites étranges et des pratiques minables de ce temps, las d’entendre ces robustes syllogismes et ces sophismes à haute fusion qui nous paralysent un peu plus chaque jour, qui endormissent notre volonté baveuse et atrophiée; je suis las d’assister à ce travestissement des réalités, qui veut que la bonté ne soit qu’une excroissance logarithmique de l’intérêt personnel, et qui dans le même temps nous rappelle l’enfer de la politique athée, cynique et inhumaine de ce XXe siècle du déclin. Pourquoi la nécessité du maintien d’une religion fédératrice, voire de l’instauration d’une sacralité du pouvoir politique né de la techno-classe élitiste ? Parce que le besoin de croire est plus impérieux que celui de penser. Parce que l’emprise d’une Foi sur le consensus crée des automatismes en chaîne que ne pourrait entretenir un système sans apriorisme émotionnel. Et enfin parce que, au niveau le plus bas, les formules de la religiosité ont un doux effet lobotomique, modulaire, réversible, auto-adapté aux circonstances et aux individus, et favorisant l’exothermie générale.

Nous voulons retourner dans l’ancienne demeure
Où nos pères ont vécu sous l’aile d’un archange,
Nous voulons retrouver cette morale étrange
Qui sanctifiait la vie jusqu’à  la dernière heure.

Michel Houellebecq, La possibilité d’une île.

Nos sociétés occidentales se meurent de n’avoir pas su aimer, d’avoir abandonné cette passion courtoise venue de l’incestueuse mais prolifique rencontre entre l’Église et la chevalerie, entre ces oratores et ces milites; cet amour de la chair et des femmes, de son sol et de son peuple qui ont longtemps donné à la France des générations nombreuses, toujours prêtes à vider leurs querelles et celles de leurs Roys sur un champ quelconque, prompts à l’innovation et à la découverte, grands et glorieux malgré leur multitude; encore faut-il saisir que cette pléthore, ce débordement furieux, ces kyrielles de gens n’étaient point apathiques et bridées; rugissantes, elles dévalaient les pentes des monts sacrés où dansent et festoient les dieux païens, foulaient les nations de leurs bottes et s’élançaient pour mourir, superbement, simplement. A l’opposé, la multiplication actuelle n’est que grouillement, reptations hideuses d’un serpent mort que les vers seuls animent, gras et ridicules; elle n’est que frémissements débiles et impotents, convulsions spasmodiques d’un organisme dont la déréliction n’égale que le déni de soi-même. Elle est la mort sans renaissance, l’accumulation étouffante de la multitude en des creusets surpeuplés, en des vallées de mort et de réclusion d’où s’élève la nouvelle humanité, dans les borborygmes atroces et souffrants de ces damnés sans terre.

Ma raison s’évapore face à ce désastre, face à l’envol des rêves vers d’autres dimensions, face à toutes ces possibilités dans lesquelles je n’existe jamais, et qui dévorent mes hypothèses et mes souvenirs. Souvenir d’un sourire, et d’une souffrance. Souvenir d’un baiser, en cette douce France. Mais déjà je m’éveille, virevolte et tressaute : point d’espérance. Ces années envolées, que rien ne nous redonnera jamais, et au dessus desquelles je peux voir, bien loin en arrière, les fondements stables et immuables de la beauté classique et hellène, de la grandeur païenne romaine, ainsi que de l’universalisme chrétien. Ma conscience harassée n’a nul autre endroit pour se réfugier que ces vieilles images, ternies et déjà craquelées, qui montrent l’absolu des possibilités humaines mais aussi la fragilité de ses vues. Je n’ai personne vers qui me tourner, personne d’autre que tout ces morts avec qui je converse, en compagnie de qui je revis les plus grandes heures de la France, et de ses Français, des Européens de toutes races et de tous poils. Nécrophile, certainement. Orphique et gluant jardin de la réalité post-moderniste, dégoulinant d’ectoplasmes absurdes et hurlant, en réalité cimetière des âges passés dont on espère qu’ils demeureront sous la stèle qu’on leur a assigné. J’ai mal, toujours plus mal, mais je vis en songe ce que m’interdisent les contingences matérielles, et ce que me déconseillent les regards désapprobateurs des anthropoïdes vagues que je croise chaque jour. Je rêve à de hautes salles, parfois faites de marbres, parfois lambrissées, où crépitent toujours de hauts feux accueillants. Des colonnades sveltes y côtoient les plus excentriques dorures, tandis que les pas se font entendre, assurés, sur le dallage. L’on y devise et l’on y rit, beaucoup. Des hommes sages et vieux y sont installés, tandis qu’autour d’eux s’étalent concentriquement les vagues des générations suivantes, mélangeant pour mon coeur hommes et femmes, enfants vigoureux déjà et hommes éternellement forts. Cette assemblée surplombe des volées de marches marmoréennes, sur lesquelles progressent toujours plus de citoyens, souriants et fiers, en une lente procession inexorable. Ce sont tous les fils, toutes les filles et les ancêtres que mon peuple n’a pas eu; ce sont toutes les magnifiques réalisations qui lui échappent, et c’est la communauté délétère qui se reforme sous mes yeux par un miracle pourtant douloureux. Douloureux, piquant, blessant, et insupportable car quand je m’éveille, quand le chant du coq m’arrache à cette vision mystique, à cette terre promise depuis longtemps disparue, j’ouvre les yeux sur les torrents de boue de ce monde, sur ses échecs sans nombre, ses crimes et ses valeurs, ses rimes et ses voleurs; ses élites, ses remparts, ses lévites, ses écarts, j’assiste à l’autodafé de ma culture et de mon âme, et je vois s’envoler la cendre de mon cerveau, glisser par tous mes orifices pour s’envoler dans ce ciel éternellement gris.

Alors je me tourne vers mon écritoire, je saisis ma plume, oublie ces délicieuses monographies qui hantent le dédale de mon imaginaire torturé, et réalise les vapeurs qui montent du dehors. Je me dois de faire l’éloge de cette nullité incroyable et indissoluble.

Le Choeur des Danaïdes. – Ainsi donc qu’à l’ombre du pieux rameau, mes lèvres donnent l’essor à des vœux épris de la gloire des Argiens. Que la peste jamais ne vide d’hommes leur cité, que la guerre ne teigne pas leur du sang de ces fils immolés !

Mais que la fleur de leur jeunesse demeure sur sa tige et que l’amant meurtrier d’Aphrodite, Arès, n’en fauche point l’espoir !

Que les vieillards emplissent les salles où ils s’assemblent autour des autels qui flambent; qu’ainsi prospère la cité dans le respect de Zeus puissant, dont la loi chenue règle le destin.

Puis que de nouvelles naissances, si le Ciel entend mes vœux, viennent sans cesse donner des chefs à ce pays, et qu’Artémis Hécate veille aux couches de ses femmes.

Eschyle, Les Suppliantes.

Jiri Barta – Golem

Posted in Uncategorized with tags , , on juillet 7, 2010 by Cendres

Chronologie révélée : Histoire parallèle – Première partie

Posted in Réalités brumeuses; horreur au vitriol du quotidien with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on Mai 13, 2010 by Cendres

Il y a 2 trillion d’années : Selon les tessons d’Eltdown, un cube yekubien débarque sur une planète près de la galaxie de la Voie Lactée.
Il y a 15 milliards d’années : L’univers est créé dans le Big Bang. Selon certains, Azathoth peut être responsable de ceci. (théorie scientifique; « La Fiole, » Le Mackie De Peste)
Il y a 4,5 milliards d’années : La formation de la terre en tant que planète. Cthugha et ses vampires du feu arrivent sur la terre pendant qu’elle se refroidit.
Il y a 3,8 milliards d’années : Yidhra se produit et se créé pendant que la vie surgit sur terre. Peu de temps après l’élévation de la vie de terre, Tsathoggua arrive. Il s’établit dans le golfe sombre de N’kai.
Il y a 3 milliards d’années : Un des cubes yekubiens débarque sur une planète près du centre de la galaxie de la Voie Lactée.
Il y a 2 milliards d’années : Chaugnar Faugn s’incarne sous une forme primitive sur terre. Il évolue durant un millenium entier.
Il y a 1 milliard d’années : Les choses plus anciennes arrivent sur terre. Ils débarquent dans l’océan antarctique et fondent leur première ville là. Les choses plus anciennes créent le proto-shoggoth (qui peut être Ubbo-Sathla), qui produit alternativement d’autres créatures qui agissent en tant que serviteurs et nourriture.
Il y a 900 millions d’années : Par ce temps, des villes des choses plus anciennes ont essaimé à travers les océans de la terre.
Il y a 800 millions d’années : Les choses plus anciennes s’adaptent à la terre et à la vie en surface. Beaucoup restent dans les océans, cependant.
Il y a 750 millions d’années : Le vol des Polyps arrive sur terre; elles construisent leurs tours de basalte sur cette même terre. Elles essayent d’augmenter leur domaine dans les océans, étincelant dans une guerre amère avec les choses plus anciennes. Par la suite, les choses plus anciennes sont victorieuses.
Il y a 450 millions d’ans : Des expériences des choses plus anciennes mènent aux premiers vertébrés, les poissons, auxquels elles permettent d’évoluer.
Il y a 400 millions d’années : La Grande Race de Yith, fuyant une catastrophe sur leur monde natal, ils transmettent leurs esprits dans une course de créatures en forme de cône sur terre. Ils conduisent le vol des Polyps dans les souterrains et les emprisonnent là. Suivant cette guerre, ils construisent leur première et plus grande ville, Pnakotus, dans l’actuelle Australie.
Il y a 370 millions d’années : Les amphibies surgissent sur terre. Chaugnar Faugn crée plus tard le Miri Nigri, à partir de chair amphibienne, une race de serviteurs.
Il y a 350 millions d’années : Un cataclysme soulève de nombreuses nouvelles masses de terre, telles que Ponape et R’lyeh. Le désastre détruit également plusieurs villes marines des choses aînées. Cthulhu et ses cerclent arrivent de l’étoile Xoth, et s’établissent sur les terres nouvellement levées. Les choses plus anciennes font la guerre avec Cthulhu, mais elles font par la suite la paix. Cthulhu est autorisé à garder ses territoires extérieurs courants, et les choses plus anciennes gardent le reste de la planète. Les profonds entrent au service de Cthulhu, et l’aident à construire la ville de R’lyeh.
Selon la légende, la base de la civilisation souterraine de K’n-yan remonte à ce temps.
Il y a 300 millions d’années : Un cataclysme cosmique (probablement dû à une certaine configuration des étoiles, plus probablement des suites d’une guerre avec les dieux plus âgés) se produit, ayant pour résultat R’lyeh descendant sous les vagues. Cthulhu est emprisonné dans la ville. Selon toutes vraisemblances, les autres Grands Anciens sont emprisonnés au même moment. Les reptiles surgissent sur terre. Yig est impliqué prétendument dans leur création.
Il y a 275 millions d’années : Les peuples serpent surgissent et fondent le royaume de Valusia.
Entre il y a 250 et 200 millions d’années : Si les fragments de G’harne sont crus, la ville de G’harne avait été construite durant la période triassique. Les fragments eux-mêmes datent également de ce temps.
Il y a 250 millions d’ans : Les shoggoths se rebellent contre les choses plus anciennes, mais sont défaits.  Atlach-Nacha règne sur ses enfants-arachnides dans le mésozoïque précoce.
Il y a 225 millions d’années : Les dinosaures surgissent et détruisent la civilisation des peuples serpent. Ceux qui survivent entrent dans la terre se cacher. Les tablettes de pierre qui deviennent les fragments de Celaeno sont tracés autour du milieu triassique. Un ensemble des tablettes est par la suite pris à la grande bibliothèque de Celaeno, sur la quatrième planète autour de l’étoile Celaeno.
Il y a 160 millions d’années : Les Mi-Go ont installé une exploitation minière sur terre. Les choses plus anciennes essayent de lutter contre eux dans l’espace, mais trouvent qu’elles ont succombé tellement qu’elles peuvent plus faire ainsi. Les Mi-Go commandent par la suite une grande portion de la partie nordique de la terre. Certains Mi-Go vont s’établir dans la terre qui deviendra Mu, et adorent Ghatanothoa. Les Mi-Go apportent également avec eux deux objets, plus tard connus sous le nom de joint noir d’Iraan et du Trapezohedron brillant.
Il y a 150 millions d’années : La Grande Race de Yith déjoue, une tentative d’invasion des Yekubien. Puis, les tablettes plus tard connus sous le nom de tessons d’Eltdown, qui enregistrent cet événement, sont enterrées dans ce qui est en ce jour l’Angleterre méridionale.
Il y a 100 millions d’années : Apogée de la civilisation des choses plus anciennes.
Il y a 65 millions d’années : Les dinosaures sont éliminés. Comment ceci affecte les ou est relié aux races étrangères sur la planète est inconnu.
Il y a 50 millions d’années : Un autre cataclysme heurte la terre. Le vol des Polyps s’évade et prend sa revanche sur la Grande Race, qui envoie ses plus grands esprits aux corps de la planète Jupiter. De Jupiter, les Yithiens procèdent à un transfert de corps semblable sur un monde satellisant une étoile noire près du Taureau. Beaucoup de villes des choses plus anciennes sont également détruites, y compris leur établissement original en Antarctique. Pour le remplacer, une nouvelle ville antarctique est construite. C’est aussi la date de la construction par la race pré-humaine des Lémuriens de la ville de Shamballah dans le grand désert oriental.
Il y a 20 millions d’années : Une race humaine précoce inconnue fonde la terre de Theem’hdra. La civilisation s’éteint bientôt. Teh Atht, un magicien du temps, laisse un manuscrit plus tard connu sous le nom de légendes de l’Olden Runes .
Il y a 6 millions d’années : Un membre d’une race d’insecte-philosophes qui grêlent de la quatrième lune de Jupiter fait partie de ceux qui échangent des esprits avec un de la Grande Race de Yith.
Il y a 5 millions d’années : La ville du peuple serpent de Yoth s’épanouit à cette époque sous les conseils de son dieu, Yig le scientifique. Leur science a progressé au point qu’ils ont créé de nombreuses espèces domestiques, telles que le gyaa-yothn et les voormis. Cependant, Yoth est détruit par Yig quand certaines des serpents se tournent vers le culte de Tsathoggua. Quelques survivants adorant Yig ont trouvé une nouvelle civilisation dans Hyperborea. Tsathoggua voyage probablement à Hyperborea suivant ces événements. La cité des Profonds d’Yatta-Uc, sous le lac moderne Titicaca, est à son apogée.
Il y a 3 millions d’années : Les voormis gagnent leur liberté. Ils créent un royaume sur la surface de Hyperborea, basé autour du culte de Tsathoggua. Rhan-Tegoth sur Terre depuis Yuggoth, et vient pour demeurer dans l’Arctique. Il est alimenté en outre par des sacrifices et par un culte fait par les indigènes primitifs, mais par la suite ils l’oublient et il entre alors dans un état d’hibernation. Rhan-Tegoth change par la suite en une statue figée.
Il y a 2 millions d’années : Tandis que la civilisation des choses plus anciennes continue de décliner, elles se retirent dans leurs villes sur le bout le plus le plus au sud l’Amérique du Sud et les régions antarctiques.
Il y a 1,7 millions d’années : Ithaqua apparaît dans les régions les plus au nord de la terre, ayant pour résultat le déclin des voormis.
Il y a 1,5 millions d’années : Sarkomand, ville capitale des hommes de Leng, est abandonnée et tombe en ruine quand les bêtes lunaires asservissent les Lengites et les prennent ailleurs comme esclaves. L’être plus tard connu sous le nom de Dr. Marc Souvate devient le véhicule immortel pour les adorateurs de Nodens. Il commence une série de sauts en avant à travers de longues envergures de temps, se dirigeant vers le moment où Nodens reviendra.
Il y a 1 million d’années : La période glaciaire est provoquée de par la puissance combinée d’Ithaqua et d’Aphoom Zhah. La civilisation des voormis dans Hyperborea est détruite d’abord, remplacée par des humains également infortunés. Quelques grands sorciers humains, y compris Zon Mezzamalech, vivent dans ce royaume de courte durée. La civilisation humaine de Zobna tombe après, se déplaçant à Lomar dans le sud et détruisant les gnophkehs indigènes et cannibales. Les choses plus anciennes très affaiblies ne sont plus capables de résister au froid intense comme leurs ancêtres, et tentent de développer le chauffage artificiel pour essayer de survivre
Il y a 850 000 ans : Un roi de Lomar est parmi ceux qui échangent leurs esprit avec un de la Grande Race de Yith.
Il y a 750 200 ans : C’est l’époque du mage Eibon, le plus grand magicien d’Hyperborea. Au cours de sa vie, le culte de Tsathoggua est chassé de l’Hyperborée par des prêtres de Yhoundeh. Eibon disparaît à l’âge de 132 au cours de l’inquisition Yhoundeh, et son assistant Cyron de Varaad rapporta plusieurs de ses œuvres sorcières dans le Livre d’Eibon. Cyron écrit également le Ivonis Vita, un compte rendu de la vie d’Eibon.
Il y a 750 000 ans : Les grandes civilisations polaires s’effondrent finalement. Les choses plus anciennes se retirent sous les profondeurs de la Terre, et le peuple de Lomar est débordé par les Inuto. La civilisation humaine d’Hyperborée éclate et ses survivants se dispersent à travers la planète. Une confrérie secrète sauve des copies du Livre d’Eibon de l’Hyperborée et les emmène en  Europe continentale. Certains voormis commencent à adorer Ithaqua, tandis que le reste fuit et devient connu sous le nom de Sasquatch et de Yetis. Le peuple des serpents se déplaça à Lémuria et devint connu comme les Rois Dragons. Tsathoggua retourne à N’Kai.
Il y a 500 000 ans : L’Homos sapiens, l’humanité moderne, se lève. Ces premiers et vrais humains trouvèrent le royaume de Nemedis, et guerroyèrent durant mille ans avec les Rois Dragons. Les humains gagnèrent, et le peuple des serpents fut repoussé au Sud. Les serpents exilés forment le second royaume de Valusia. Quelques uns, cependant, se cachèrent à la place parmi les îles de la mer de Neol-Shendis, attendant leur heure pour s’élever à nouveau.
Il y a 493 000 ans : Thongor, un barbare de Lémuria, s’oppose à une résurrection des Rois Dragons grâce à l’antique magie. Thongor unifiera plus tard Lémuria dans son Empire Doré du Soleil.
Il y a 393 000 ans : Lémuria est jetée à bas par des éruptions volcaniques, laissant uniquement ce qui devient Hyboria en dernier lieu. Certains survivants fondent le Premier Empire d’Atlantis, centré autour de la capitale de Caiphul. Plusieurs années plus tard, cette première Atlantis lémurienne est remplacée par le Second Empire, fondé par le peuple de Shem, qui font de la Cité des Ponts d’Or leur capitale.
Il y a 300 00 ans : A cette époque, la femelle Pht’thya-l’yi des Profonds est née de la Mère Hydra.
Il y a 200 000 ans : Le royaume humain de Mu atteint son apogée. A cette époque, les Muviens vénèrent beaucoup de dieux sombres, incluant Ghatanothoa, Ythogtha et Zoth-Ommog.

Il y a 173 148 ans : Lors de l’année de la Lune Rouge, Ghatanothoa devient le dieu suprême de Mu, suivant la destruction divine d’un grand-prêtre de Shub-Niggurath.
Il y a 161 844 ans : Le culte de Ghatanothoa est devenu si fort que les autres religions sont hors-la-loi. Zanthu, dernier grand-prêtre de Ythogtha, essaye de libérer son dieu, détruisant Mu. Zanthu s’enfuit vers le plateau de Tsang, où il écrit ce qui sera connu plus tard comme les Tabletes de Zanthu.
Il y a 80 000 ans : Pht’thya-l’yi, fille de Mère Hydra, va vivre dans la cité des Profonds de Y’ha-nthlei.
50 000 avant J-C : Une race de « gens bruns aux grands crânes » domine l’Afrique du Sud. Un de leurs généraux est parmi ceux qui échangent leur esprit avec un des Ythiens.
24 000 avant J-C : La Cité des Ponts d’Or, capitale du second Empire d’Atlantis, disparaît sous les flots en résultat de magies noires. Cet événement dévaste aussi beaucoup du continent atlantéen. Après la perte de contact avec Atlantis, le peuple de K’n-yanreçoit seulement des connaissances limitées du monde extérieur pour les 25 000 ans suivants.
20 000 avant J-C : Beaucoup de grands pays se sont dressés sur le continent Thurien, incluant Commoria, Kamelia, Grondor, Thule et Verulia. Les survivants de Lémuria et d’Atlantis ont dégénéré en barbares; les Picts s’élèvent aux environs de cette époque. Valusia est finalement conquise par des humains. Quelques temps plus tard, le peuple des serpents essaie de la reprendre par subterfuge, mais sont stoppés par le roi Kull.
18 000 avant J-C : Un gigantesque cataclysme détruit cette fois le monde entier, amenant l’âge Hyborien. Le continent atlantéen occidental coule, laissant seulement les îles qui deviennent Bal-Sagoth et Poseidonis. Les derniers Atlantes, qui fuit en direction du Nord, deviennent les Cimmériens barbares. Les ultimes Lémuriens survivants sont mis en esclavage par une ancienne race inconnue de la partie orientale du continent thurien. Mu s’élève à nouveau des décombres, et Ghatanothoa invoque ses serviteurs, les lloigors. Les lloigors réduisent en esclavage les humains qui viennent pour vivre dans cette nouvelle contrée. Bokrug et lesThuum’ha viennent sur la Terre et fondent le royaume d’Ib au Moyen-Orient et de Lh-yib sur le territoire des Cimmériens.
17 500 avant J-C : Un cataclysme mineur brise le continent thurien en deux.
15 500 avant J-C : Dans la partie orientale du continent thurien effondré, les Lémuriens se libèrent par eux-mêmes de l’esclavage. Ils voyagent vers l’Ouest et surpassent le peuple des serpents qui s’y trouve, fondant les royaumes d’Achéron et de Stygia. Ils adoptent les pratiques du peuple des serpents et adorent plusieurs dieux, incluant Nyarlat, Sebek, Set, Gol-Goroth, et Shuddam-El. Les Stygiens cultivent aussi une plante appelée le lotus noir, qui « libère » leur adoration pour les déités.
Le peuple des serpents survivant s’enfuit vers la pointe sud du continent.
15 000 avant J-C : Les Cimmériens, sous le commandement de Crom-Ya, commencent leur ascension vers la gloire. Crom-Ya est plus tard déifié comme le Dieu Crom.
13 000 avant J-C : Les Hyboriens conquièrent Acheron et forment huit contrées séparées -Aquilonie, Argos, Brythunia, Corinthia, Koth, Nemedia, Ophir et Zingara. Stygia, pendant ce temps, survit.
Les plus vieilles copies du Texte de R’lyeh, écrites sur des rouleaux dans une langue proto-chinoise, datent au moins de cette époque, même si ils sont probablement plus vieux.
10 000 avant J-C : L’époque de Conan. Le barbare cimmérien chasse le dernier peuple serpent de leur cité hyborienne de Yanyoga.
9 600 avant J-C : L’Âge hyborien touche à sa fin, alors que les nations et les peuples commencent à se battre. Aquilonie et Hyperborea se livrent la guerre, les Picts et les Hyrkaniens ravagent leurs pays respectifs et les Vanir détruisent finalement Stygia. Les Aesir s’installent à Nemedia, et les Cimmériens livrent la guerre aux Hyrkaniens avant de se retirer vers l’Est. Les Hyboriens eux-mêmes sont écrasés par un autre peuple nordique. C’est l’époque de l’héroïque Ghor Kin, Égorgeur des Aesir, et le seigneur de guerre Gorm des Picts.

9 550 avant J-C : Un ultime cataclysme détruit le monde hyborien et fait surgir de nouvelles terres, amenant le monde dans ses configurations plus ou moins actuelles. Des portions du continent hyborien, de Poseidonis et de Mu disparaissent toutes sous les flots. Dans les temps récents, cet événement est conservé comme le Grand Déluge. Les lloigors se dispersent à travers le monde, s’établissant au Moyen-orient, en Nouvelle-Angleterre, en Europe et ailleurs.  Le lotus noir est emmené de Stygia en plein effondrement jusqu’aux plateaux de Leng et Sung, où il continue à être cultivé. Dans les restes de Stygia, les Vanir fondent le pays de Khem. Les Brythuniens émigrent dans un pays à l’Est de Khem et deviennent les prêtres de Mitra, gardant leur lignée pure et séparée de la population locale. La cité de Sarnath est fondée en Mésopotamie par un autre groupe d’humains, près de la cité Thuum’a d’Ib. Le peuple de Sarnath croit jusqu’à déranger celui d’Ib. La province d’Averoigne est fondée par un peuple appelé les Averones (survivants d’Atlantis) dans ce qui est aujourd’hui la France.
9 550 – 7000 avant J-C : La première dynastie de Khem tombe. Une race hybride d’aliens et d’humains prend sa place, construisant les premières pyramides.
9 000 avant J-C : Les hommes de Sarnath massacrent les Thuum’ha d’Ib, et sont visités immédiatement après par des présages promettant mort et ruine.
8 000 avant J-C : Bokrug, dieu des Thuum’ha, amène la destruction sur Sarnath. Les disciples du prophète Kish, qui prédit la ruine de Sarnath, fuit la cité. Le Testament de Kish, qui raconte la destruction de Sarnath, est écrit peu de temps après -quoi qu’il en soit, il est désormais totalement perdu. Les disciples de Kish traduisirent aussi le Livre d’Eibon en langage Mnar.
7 000 avant J-C : Khasathut, sixième pharaon décadent de la Seconde dynastie de Khem, est renversé par Khai, un descendant probable des Vanir. Khai instaura la Troisième dynastie de Khem. Cependant, le pays a été ruiné par la guerre de sorcellerie avec Khasathut, et est devenu un désert.
5 000 avant J-C : E-poh, meneur des Tcho-Tcho du plateau de Sung, est né.
4 200 avant J-C : Les Sept Livres Cryptiques de Hsan sont traduits en chinois ancien.
4 000 avant J-C : Les Sept Livres de Tan, qui doivent être les mêmes que les Sept Livres Cryptiques de Hsan, datent de cette époque.
2 613 avant J-C : Nephren-Ka, un pharaon véritablement fou, accéda au pouvoir dans l’Égypte de la Troisième Dynastie. Il raviva l’adoration de dieux sombres tels que Nyarlat, qu’il renomma Nyarlathotep. Il trouva aussi le Trapezohedron brillant et construisit un temple autour de lui. Le pharaon Snefru renversa Nephren-Ka, et son nom fut effacé de l’histoire égyptienne. Cependant, les religions noires qu’il redécouvrit ne sont pas encore oubliées. Nephren-Ka et ses disciples s’enfuirent dans les catacombes souterraines de Kish, où il sacrifie une centaine de victimes à Nyarlathotep. En échange, Nephren-Ka reçoit le don de prophétie, et il dépense le reste de sa vie à dessiner le futur de la Terre sur les murs de sa tombe.
2 200 avant J-C : La reine Nitocris, la Reine des Goules, accède au pouvoir dans l’Egypte de la Sixième dynastie. Elle ravive à son tour l’adoration de Nyarlathotep, et découvre le Trapezohedron brillant. Elle s’engage dans de nombreux actes indicibles durant son règne, affaiblissant suffisamment sa nation pour inaugurer la première période d’intermède de l’histoire égyptienne. Elle laisse derrière elle un artefact connu sous le nom de miroir de Nitocris.
2 150 avant J-C : Le Pharaon Noir, parfois appelé Khotep, vit à la fin de la Sixième Dynastie d’Égypte.
Entre 2 000 et 1 750 avant J-C : Une référence à Leng est trouvée dans un papyrus écrit durant le Moyen Empire égyptien.
Entre 1991 et 1783 avant J-C : Nyarlathotep est adoré sous la forme du Porteur de Peste, durant la Douzième Dynastie égyptienne.
Entre 1783 et 1696 avant J-C : Le haut-prêtre Luveh-Keraph de la Treizième Dynastie égyptienne, adorateur de Bast, écrit les Rites Sombres dans les Rouleaux de Bubastis.
1733 avant J-C :  Nophru-Ka, un cultiste de Nyarlathotep, fonde un mouvement séparatiste égyptien. Il essaye de renverser le pharaon Khasekhemre Neferhotep I, mais est tué par le souverain. Les suiveurs de Nophru-Ka sont plus tard tués par Shudde-M’ell et ses pions, mais sa lignée continue, menant éventuellement à la Confrérie de la Bête.
Entre 1674 et 1640 avant J-C : Khephnes, qui vit durant la Quatorzième Dynastie d’Égypte, apprend les secrets de Nyarlathotep. Il est aussi parmi ceux qui échangent temporairement leurs esprits avec un de la Grande Race de Yith.
1674 avant J-C : Les Hyksos, un peuple nomade qui a certainement du sang stygien, s’emparent de l’Égypte. Le premier pharaon Hyksos voyage jusqu’à G’harne et en rapporte le culte de Shudde-M’ell.
1600 avant J-C : Le savant syro-phénicien Imilcar Narba traduit le Livre d’Eibon en punique.
1370 avant J-C : Durant la Dix-huitième Dynastie égyptienne, Akhénaton relève la momie de Nephren-Ka, qui le convertit à l’adoration d’Aton. Aton est en vérité un déguisement pour Yog-Sothoth, emprisonné aux alentours du Mont Sinaï.
1290 avant J-C : Au cours de la Dix-neuvième Dynastie d’Égypte, les Zarr viennent sur Terre pour libérer Yog-Sothoth. Alors qu’ils procèdent ainsi, ils attaquent les grandes villes d’Égypte. Yog-Sothoth retourne dans sa néant outre-dimension.
1000 avant J-C : Les Phéniciens sont à leur apogée. Ils tiennent Atlach-Nacha en révérence.
Entre 1000 et 40 avant J-C : Le peuple de K’n-yan trouve un moyen pour arrêter le processus de vieillissement et prévenir la mort sous toutes ses formes, par la violence, l’accident ou la volonté personnelle.
300 avant J-C : Les Picts sont éparpillés en plusieurs petites tribus qui se combattent les unes les autres. Le Texte de R’lyeh est traduit en chinois. Entre le troisième siècle tardif avant J-C et le début du deuxième siècle, il est aussi traduit en latin.
213 avant J-C : Le premier empereur de Chine, Qin Shi Huangdi, ordonne l’autodafé des Livres sacrés, dans lesquels de nombreux textes en défaveur de l’empereur sont détruits. Parmi ces textes se trouvent les Sept Livres Cryptiques de Hsan. Peu de copies sont confisquées et stockés dans la Librairie impériale, pour mieux y être détruites lors de l’arasement de ce bâtiment quelques années plus tard. Les auteurs chinois suivants compilent des versions corrompiesdes Sept Livres Cryptiques, utilisant leur propre mémoire et les quelques fragments pouvant être trouvés afin de restituer les originaux.
200 avant J-C : Theodotides, un officiel Gréco-Bactrien est parmi ceux qui échangent leurs esprits avec un de la Grande Race de Yith.
100 avant J-C : Possible première apparition de la Cabale de Sabaoth. La plus jeune traduction grecque connue du Livre d’Eibon, le Peri ton Eibon, date de cette époque.
Entre 82 et 75 avant J-C : A l’époque du dictateur romain Sulla, un questeur du nom de Titus Sempronius Blaesus est parmi ceux qui échangent leurs esprits avec un de la Grande Race de Yith.
80 avant J-C : Chaugnar Faugn est découvert par une légion romaine. Il détruit la légion, mais fait retraite avec les Miri Nigri vers le plateau de Tsang. Faugn laisse ses frères derrière.
Entre 51 avant J-C et 486 après J-C : Pendant la période romaine des Gaules, les villes de Simaesis et Avionium (anciennement Ximes et Vyones) en Averoigne sont effrayées à cause d’un culte à un dieu nommé Sadoqua.

9 après J-C : La bataille de Teutoberger  Wald se produit; parmi les hommes des tribus germaniques dans la bataille se trouvait Wolfred Herman Freimann, qui échange plus tard son esprit avec un de la Grande Race de Yith.
10 après J-C : Simon de Gitte est né.
27 après J-C : Simon de Gitte aide accidentellement à invoquer Cthulhu.
31 après J-C : Simon de Gitte interrompt un complot impliquant Shub-Niggurath.
37 après J-C : L’empereur romain Tiberius acquier l’anneau-serpent de Set grâce à l’un de ses nobles, peu de temps avant qu’il meurre. Simon de Gitte est connu par la rumeur pour être connecté avec la mort de Tiberius.
Entre 37 et 41 après J-C : L’empereur romain Caligula prend une copie du Livre de Thoth depuis l’Egypte, pour l’expérimenter. Peu de temps avant qu’il meurre, le livre est détruit. Encore une fois, l’ombre de Sion de Gitte plane sur l’affaire.
Entre 41 et 57 après J-C : Simon de Gitte entre au service de l’empereur romain Claudius.
41 après J-C : Simon de Gitte fait amitié avec certains des derniers éléments du peuple serpent.
42 après J-C : Simon de Gitte combat les forces de Cthugha.
Entre 43 et 450 après J-C : Les légionnaires romains occupant la vallée de Severn en Bretagne (Grande-Bretagne actuelle) découvrent le Grand Ancien Byatis, emprisonné derrière une porte de pierre dans un ancien camp. Horrifié, ils l’emprisonnement aussi derrière une étoile à cinq branches. Cependant, de temps à autres, Byatis s’échappe, harcelant ses victimes.
100 après J-C : Une source date le Testament grec de Carnamagos de cette époque.
125 après J-C : Titus Tetericus, le fils mort depuis trois ans d’un sénateur retiré, Felicius Tetricus d’Eboracum, semble revenir à la vie pour environ un an, avant qu’il ne retourne « au pays des ombres ».
126 après J-C : Une force de légionnaires voyage au Nord du mur d’Hadrien dans le territoire Picte, chargée d’une mystérieuse mission. Leur destin n’a jamais été découvert.
138 après J-C : Lollius Urbicus, un savant romain vivant près de l’actuelle ville de York, écrit le Præsidia Finium.
150 après J-C : Une traduction irlandaise du Livre d’Eibon est créée par des savants irlandais itinérants.
165 après J-C : l’Occultus est écrit par Hieriarchus.
200 après J-C : Le Daemonolorum est écrit par une secte égyptienne. Une transcription latine du Texte de R’lyeh apparaît.
206 après J-C : Bran Mak Morn, grand chef des Pictes, invoque les Grands Vers de la Terre (descendants dégénérés du peuple des serpents) pour combattre les Romains.
207 après J-C : Bran Mak Morn rappelle le roi Kull d’Atlantis.
208 après J-C : Bran Mak Morn combat les Grands Vers de la Terre, ceux-là même qui étaien nommés « alliés ».
210 après J-C : Bran Mak Morn meurt en résultat de la tricherie d’un général romain. Un culte s’élève plus tard autour du légendaire chef picte.
300 après J-C : Les Annales de Flavius Alesius font référence au Liber Ivonis comme à un ensemble de tablettes détenues par les Averones.
390 après J-C : Le Sérapéion d’Alexandrie est incendié par les Chrétiens. Dans le processus, de nombreuses versions latines et grecques du Livre d’Eibon sont détruites.
Entre 390 et 400 après J-C : Valerius Trevirus écrit le poème De Noctis Rebus, qui fait référence au Liber Ivonis.
400 après J-C : Le Codex Dagonensis, le Codex Maleficum, le Codex Spitalski, et le Cthaat Aquadingen sont connus en Germanie du Nord à cette date. Les livres contiennent tous des matériaux similaires, incluant des Sathlattae variées. Les Confessions du Moine fou Clithanus sont écrites par Clithanus lui-même.
466 après J-C : Le mage Azédarac et son homme de main disparaissent d’Averoigne.
475 après J-C : Un individu nommé Frère Ambrosevient vivre avec la sorcière Moriam en Averoigne.
Sixième siècle : Nestar Mobedan Mobed, un prophète zoroastrien auto-proclamé, mène un groupe de disciples à se séparer de leurs contemporains plus orthodoxes. Durant leur exil imposé par lui-même, Mobed écrit les Lettres de Nestar, qui détaillent des rituels pour invoquer Cthugha et ses serviteurs. Vingt ans plus tard, lui et ses disciples désormais nombreux retournent à la ville qu’ils avaient quitté, et essayent de la conquérir en invoquant Cthugha. Nestar est tué par un garde de la cité, et la plupart de ses suiveurs capturés. Le reste s’enfuit, sous ses instructions en Inde et en Russie.
592 après J-C : La planète Shaggai est détruite, possiblement par Ghroth le Coureur. Les membres survivants de la race de Shan se dispersent; un groupe voyage jusqu’à la planète Xiclotl, et appelle les autres Shan à les rejoindre.
595 après J-C : La copie la plus ancienne connue du Livre de Dyzan est trouvée par des commerçants chinois dans une cave.
600 après J-C : Le Livre de Dyzan des commerçants qui l’ont découvert vient en possession du prince de Shu, de la dynastie des Sui, qui est plus tard exilé pour pratique de magie noire. Sa copiedu Livre est plus tard donnée à la Librairie impériale par un poète fameux; il y est copié avant d’être retourné.
Septième siècle : L’astrologue arabe Ibrahim al-Araq fait référence à l’étoile Algol comme « l’étoile-démon », ou « l’étoile d’où le Démon vient ».
640 après J-C : La Grande librairie d’Alexandrie est brûlée. Certains textes échappent à la destruction de la Librairie, et trouvent parfois leur voie jusqu’au monastère de Perigon en Averoigne.
655 après J-C : Année possible de naissance d’Abdul Alhazred.
700 après J-C : U Pao, un des premiers savants de Burma, écrit le Sutra Noir.
730 après J-C : Abdul Alhazred écrit le Kitab Al-Azif.
738 après J-C : Abdul Alhazred meurt. Selon le récit populaire, il est tué sur la place du marché de Damas par un monstre invisible, qui le dévore et le déchiquète entièrement.
760 après J-C : Peu avant cette date, une traduction du Kitab Al-Azif en duriac (une langue obscure du Moyen-Orient) est faite.
792 après J-C : Les Shan quittent Xiclotl (prenant des serviteurs parmi les seuls natifs de la planète) et voyagent jusqu’à une planète qu’ils nomment Thuggon. Cependant, ils n’y restent que moins d’un an avant de voyager à nouveau jusqu’à L’gy’hx, connue des humains comme Uranus.
Neuvième siècle : Caius Phillippus Faber raduit le Livre d’Eibon en latin, le ré-intitulant Liber Ivonis. La Sicile est une place-forte du culte de Shub-Niggurath durant ce siècle.
900 après J-C : Le Kitab Rasul Al-Albariest écrit par Ibn el-Badawi. Une traduction « anglaise » est faite quelques temps plus tard.
935 après J-C : Une copie du Testament de Carnamagos est trouvée dans une tombe gréco-bactrienne, avec une copie du Livre d’Eibon. Deux copies de ce dernier texte, traduites en grec, sont réalisées plus tard par un moine.
950 après J-C : Theodorus Philetas de Constantinople traduit le Kitab Al-Azif en grec, et le renomme le Necronomicon.
960 après J-C : Theodorus Philetas a réuni de nombreuses copies du Livre d’Eibon dans une traduction en grec médiéval à cette époque.
1000 après J-C : Un «étrange et puissant ordre dynastique » construit un prieuré de pierre au sommet d’un temple antique près de la moderne Anchester, sur le site qui devient finalement le Prieuré d’Exham.

La suite prochainement (1000 – 1670). Si les sources sont demandées, adressez un commentaire; sinon, elles seront de toute façon présentées à la fin du travail, dans leur intégralité.

Between the Stars – (Межзвёздное пространство)

Posted in Onirisme & rêverie réaliste on Mai 3, 2010 by Cendres

Livre maudits : chronique des codex disparus, Addendum

Posted in Réalités brumeuses; horreur au vitriol du quotidien with tags , , , , , on avril 26, 2010 by Cendres

Que l’on observe les indéchiffrables lignes de l’étrange manuscrit Voynich, les fragments rares de la Steganographie de l’abbé de Trithème, les récits de voyage d’Humboldt quant au Peula-Peula, ou encore les scènes incroyables de la Caracosa du Roi en jaune, on est insensiblement pris d’un doute inconciliable avec une existence rangée et habituelle. Il n’existe pas de preuve tangible d’un dessein commun, d’autant que les diverses factions occultistes se donnent bien du mal pour diviser toujours plus médiocrement les quelques grandes lignes unificatrices qui semblaient dégager. Néanmoins, persistent dans la psyché humaine collective certains symboles, certaines références pleines de rêve et de cauchemar, des livres maudits dont le pouvoir est de tuer, de rendre fou, d’engloutir ou de révéler; des livres dont les procédés de fabrication et de rédaction sont toujours obscurs, et dont l’existence n’est que péripéties et censures. Venus du fond des âges, d’antiques et lointaines contrées, ils offrent le tableau effrayant d’un passé plus ancien qu’on ne le croyait, et d’un savoir scientifique constamment entravé dans son progrès et dans ses découvertes (cf Jacques Bergier, « un mystérieux groupe d’hommes en noir sinistres »).

Il était donc nécessaire, après le synopsis de l’article précédent, de rajouter quelques titres sur ces ombres littéraires mouvantes, quelques noms propres à susciter l’interrogation et à stimuler l’imaginaire. Ces références, toutes tirées de la bibliothèque discrète du Surnateum, sont agrémentées de réflexions et autres références, dans le cas où ces dernières peuvent être trouvées. Mais pas d’illusions, il ne traîne que quelques miettes de la présence sulfureuse de ces écrits tentateurs…

  • Grimoires Magiques :
    • Manuscript Mongol ( Inv. SBB/gm-32074-375 )
    • Grimoire de Sorcellerie ( Inv. Sbb/gm-32074-584 Livre de remèdes manuscrits de 1792, certaines de ces recettes ont eus d’étranges effets sur l’expérimentateur.)
    • L’Albert Moderne ( Inv. SBB/gm-59431 édition de 1769 ayant appartenu à une voyante du nom de Sibille, autrement dit mlle Lenormand.)
    • Suite du recueil des remèdes faciles et domestiques de madame Fouquet ( Inv. SBB/gm-01474 édition de 1701, exemplaire ayant appartenu au chanoine De Buis ?)
    • Liber Oneiromicon ( Inv. SBB/gm-56149 Lit. « Livre Secret des Images du Rêve  » appelé également  « Livre des 7 Portes du Rêve.  » Exemplaire Unique de l’ouvrage autour duquel gravite l’univers du Surnatéum et sans lequel ni le musée ni l’Institut n’existeraient. Contient plusieurs livres dans le livre, et se lit donc à plusieurs niveaux d’interprétation. A l’usage exclusif des Collectionneurs et des Conservateurs, il décrit la mise en activité des Antiquités Hantées du musée. Cet exemplaire contient certains des documents originaux exposés dans le site et permettrait d’identifier les Collectionneurs. La lecture de cet ouvrage donne des pouvoirs étonnants au lecteur ou le rend fou à tout jamais. Véritables Légendes Urbaines, les Grimoires magiques comme le Liber Oneiromicon, le Necronomicon, le Scroll ou le Negromicon de Masklyn ye Mage font de temps à autre surface dans des collections privées, au grand dam de leurs détracteurs.
    • Grimoire Dayak ? ( Inv. SBB/gm-74341 Offert au musée du Surnatéum par notre correspondante du Museum of Cursed Antiquities de Minneapolis ce petit grimoire dayak ( ?) en os et bambou décrit un rite d’évocation de créatures insectiformes.)
    • Calendrier Magique de Croze et Orazi ( Inv. SBB/gm-75214 Rarissime calendrier magique pour l’année 1896, par le poète Croze et le peintre italien Orazi. Chef d’œuvre de l’Art Nouveau, ce calendrier conçu en 1895 pour l’année suivante est un des joyaux de la collection du musée. Sur les 777 exemplaires originaux, il ne doit en rester que deux ou trois dans des collections privées. Contient les rituels et invocations les plus efficaces ayant été décrits dans la littérature occulte.)
    • The Scroll of Masklyn ye mage (Inv. SBB/gm-07453 Moins ancien qu’il ne paraît au premier abord, ce parchemin réalisé par Masklyn ye mage contient suffisamment d’informations pour les apprentis Invocateurs du Surnatéum. Peut être associés aux ouvrages de Ludwig  » Punx  » Hanemann (Setzt Euch zu Meine Füssen ) et de Tony  » Doc  » Shiels (Daemons, Darklings and Döppelgangers) ou au magazine  » Invocation  » de Bob Lynn et Tony Anduzzi.)
    • Dragon Rouge et Poule Noire ( Inv. SBB/gm-14724 circa 1880)
    • Tabot (Table de la loi) ( Inv. SRS/tl-30474 Ethiopie, vers le IVème siècle de notre ère, cette tablette devait être contenue dans une Arche d’Alliance. )
    • Document arabe anonyme ( Inv. SBB/gm-27423 Document arabe probablement du XVème siècle, ayant servit à l’auteur fantastique américain H.P.Lovecraft à crypter son Necronomicon. Le document qui paraît être une sorte de filiation familiale, une fois décodé et réactivé par un sensitif peut ouvrir une porte communiquant avec les Grands Anciens. A déconseiller.)
  • Documents rares :
    • Dictionnaire Infernal ( Inv. SBB/dr-17024-vol.1 à 4 Collin de Plancy ed. 1825-1826 4 vol.) (La plus rare et la plus recherchée des éditions de cet ouvrage. Contient 16 gravures pleine page et un fac-similé du Pacte d’Urbain Grandier.)
    • Les Mystères de la Science (Inv.SBB/DR/lf-30141) de m. Louis Figuier (1860) T.2 Aujourd’hui (Paris, A la Librairie Illustrée) – Acquisition du Surnatéum en 2002
    • Confessions of a Ghost Hunter
    • Carte de la Barbarie, de la Nigritie et de la Guinée (Inv. SRS/BN/prd-50942)
      Publiée à Paris en 1707, par Guillaume de l’Isle, cette édition est tirée de l’Atlas Nouveau (1730) A Amsterdam, chez Jean Covens et Corneille Mortier Géographes
    • Curiosités Infernales (Inv.SBB/LR/lp-74012) Bibliophile Jacob
      Diables, Bons Anges, Fées, Elfes, Follets et Lutins, Esprits Familiers, Possédés et Ensorcelés, Revenants, Lamies, Lémures, Larves, Vampires, Prodiges et Sortilèges, Animaux Parlants, Présages de Guerre, de Naissances, de Mort, etc.
    • Mémoire pour Anne Grandjean (Inv.SBB/dr-33427)
    • Histoire des Fantômes et des Démons ( Inv. SBB/dr-01481 Collin de Plancy ed. 1819 ) (Du même auteur que le  » Dictionnaire Infernal « , cet ouvrage est également rarissime et fort recherché.)
    • Histoire des Sciences Occultes ( Inv. SBB/dr-01402 Comte de Résie éd.1850 2 vol.) Peu de renseignements ont pu être obtenus sur l’auteur de cet ouvrage.
    • Dictionnaire des Superstitions, erreurs, préjugés et Traditions Populaires où sont exposées les croyances superstitieuses des temps anciens et modernes, répandues surtout dans les populations agricoles, pastorales et maritimes, touchant les esprits de l’air, de la terre et des eaux, les possessions diaboliques, le monde des fées et celui des sorciers, les pressentiments, les songes, les visions et les apparitions, les prédictions, etc., etc. etc., (Inv. SBB/dr-17024 de Chenel Barrière d’Enfer de Paris, M. J.- P. Migne éd., coll.  » Troisième et dernière Encyclopédie Théologique « , 1856, tome unique, 23 p (Introduction) + 1338 p., belle rel. demi-cuir à 5 nerfs, titre doré.)
    • Le Diable au XIXè siècle ( Inv. SBB/dr-19512 Docteur Bataille éd.1892-1895) (Rarissime édition originale en deux tomes de l’ouvrage fantaisiste et provocateur du pseudo docteur Bataille, traitant d’une soi-disant secte maçonnique luciférienne, le Palladisme. Leo Taxil et Dr Charles Hacks. Le contenu, quoique hautement suspicieux, n’est pas dénué d’intérêt.)
    • Traité sur les apparitions des Esprits, et sur les vampires ou les revenans de Hongrie, de Moravie, &c. ( Inv. SBB/dr-14110-1 à 2 Don Augustin Calmet ed.1751 2 vol.) (Rarissime édition de 1751 du premier traité sur le vampirisme. Il y eut trois éditions consécutives en 1746, 1748 et 1751. Cette dernière est la plus complète, donc la plus recherchée. Considéré comme un des premiers livre consacré au vampirisme, il est toutefois le premier ouvrage par lequel l’Eglise reconnaît officiellement l’existence du Vampire.)
    • Feuille de procès de Sorcellerie ( Inv. SBB/dr-94004 Aix 1693)
    • Les Travaux publiques et les Mines dans les traditions et superstitions de tous les pays. (Inv. SBB/dr-14899 Paul Sébillot Paris 1894. Ouvrage n°356/770, jamais réédité, ce livre est une véritable  » mine  » (sans jeu de mot) d’informations sur les mythes et légendes peu connus des ponts et des mines.
    • Le Musée des Sorciers, Mages & Alchimistes ( Inv. SBB/dr-30365 Grillot de Givry éd.1929 ; première édition de cet ouvrage abondamment illustré traitant de Magie. Peu courant et recherché pour son iconographie remarquable.)
    • Témoignage de m. Deschamps ( Inv. SBB/dr-13726 et SBB/dr-13727 documents essentiels pour le Dossier sur la Lance. )
    • Magia Sexualis ( Inv. SBB/dr-33360 PB Randolph : traduction de Maria de Naglowska éd. 1931) autographe de la traductrice dédicaçant l’ouvrage à son secrétaire.
    • Voyages Extraordinaires ( Inv. SBB/dr-86135 T. 35 : L’enchanteur Faustus , Hamilton ; Le diable amoureux Cazotte ; Les lutins du château de Kernozy Comtesse de Murat ed.1789)
    • Voyages Extraordinaires ( Inv. SBB/dr-86134 T34 : Le comte de Gabalis ; Le Sylphe amoureux, les Ondins Roberts ; L’Amant Salamandre ed. 1788)
    • Malleus Maleficarum ( Inv. SBB/dr-35035 Sprenger et Institoris, 1ère traduction anglaise et introduction du rév. Montague Summers ed. John Rodker1928 n°41 d’un triage limité à 1275 ex.)
    • The Discovery of Witches ( Inv. SBB/dr-10784 Matthew Hopkins avec une étude du révérend Montague Summers ed.1928)
    • La Grande Danse Macabre ( Inv. SBB/dr-74211 reprint circa 1870)
    • La Sorcière ( Inv. SBB/dr-04046 Jules Michelet, édition rarissime de 1911 n° 300 de 1/300, avec 69 compositions originales de Martin van Maele. Le livre fondateur de la Wicca qui aurait influencé Margaret Murray, Sanders et Gardner.)

Précisions :

–  En ce qui concerne le Liber Oneiromicon,  » … Je découvris que, dans la vie des hommes qui veulent savoir, il y a toujours sept portes secrètes. Je vis que les formules magiques sont toujours au nombre de sept, que les diables sont les mêmes, les livres cachés se ressemblent beaucoup et les anges déchus sont un peu plus nombreux.  » (Hugo Pratt : Fable de Venise). Le contenu du Liber Oneiromicon permet entre autre de lire dans le passé et le futur, de prophétiser, d’évoquer les âmes errantes, de contrôler le libre-arbitre des individus, et surtout au musée qui le détient de détecter les Sensitifs et de produire des Sortilèges. Le Surnatéum ne présente qu’un pâle reflet de ce qu’il contient. Certains Sensitifs de haut niveau sont exceptionnellement autorisés à maîtriser une page de son contenu. Sans cet ouvrage fondamental, ni le Surnatéum ni l’Institut n’auraient de raison d’être. L’ouvrage peut se lire à différents niveaux de compréhension, ce qui le rend dangereux pour le lecteur. Contrairement à de nombreux pseudo-ouvrages magiques, le Liber Oneiromicon n’est pas codé, ce qui rend sa lecture encore plus dangereuse.

– Le Calendrier Magique de Croze et Orazi a été exposé pour la dernière fois en 2005, à l’occasion de l’exposition de la BAAF (Brussels Ancient Art Fair). On peut en observer des fragments ici, à la division des Collections rares et manuscrites de la Cornwell University Library.

– Le Dictionnaire Infernal est l’œuvre majeure de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy, écrivain français, né en 1793 à Plancy-l’Abbaye et mort en 1887, auteur de nombreux ouvrages sur l’occulte, l’insolite et le fantastique. En voici un extrait au sujet des morts mangeant dans leurs tombes : « Les anciens croyaient que les morts mangeaient dans leurs tombeaux. On ne sait pas s’ils les entendaient mâcher ; mais il est certain qu’il faut attribuer à l’idée qui conservait aux morts la faculté de manger, l’habitude des repas funèbres qu’on servait de temps immémorial, et chez tous les peuples, sur la tombe du défunt. Dans l’origine, les prêtres mangeaient ce festin pendant la nuit, ce qui fortifiait l’opinion susdite ; car les vrais mangeurs ne s’en vantaient pas. Chez les peuples un peu décrassés, les parents mangèrent eux-mêmes le repas des funérailles. L’opinion que les spectres se nourrissent est encore répandue dans le Levant. Il y a longtemps que les Allemands sont persuadés que les morts mâchent comme des porcs dans leurs tombeaux, et qu’il est facile de les entendre grogner en broyant ce qu’ils dévorent. Philippe Rehrius, au XVIIe siècle, et Michel Raufft, au commencement du XVIIIe, ont même publié des Traités sur les morts qui mâchent dans leurs sépulcres. Ils disent qu’en quelques endroits de l’Allemagne, pour empêcher les morts de mâcher, on leur met dans le cercueil une motte de terre sous le menton ; ailleurs on leur fourre dans la bouche une petite pièce d’argent, et d’autres leur serrent fortement la gorge avec un mouchoir. Ils citent ensuite plusieurs morts qui ont dévoré leur propre chair dans leur sépulcre. On doit s’étonner de voir des savants trouver quelque chose de prodigieux dans des faits aussi naturels. Pendant la nuit qui suivit les funérailles du comte Henri de Salm, on entendit dans l’église de l’abbaye de Haute-Seille, où il était enterré, des cris sourds que les Allemands auraient sans doute pris pour le grognement d’une personne qui mâche ; et le lendemain, le tombeau du comte ayant été ouvert, on le trouva mort, mais renversé et le visage en bas, alors qu’il avait été inhumé sur le dos. On l’avait enterré vivant. On doit attribuer à une cause semblable l’histoire rapportée par Raufft, d’une femme de Bohème, qui en 1345 mangea, dans sa fosse, la moitié de son linceul sépulcral. Dans le dernier siècle, un pauvre homme ayant été inhumé précipitamment dans le cimetière, on entendit pendant la nuit du bruit dans son tombeau : on l’ouvrit le lendemain, et on trouva qu’il s’était mangé les chairs des bras. Cet homme, ayant bu de l’eau-de-vie avec excès, avait été enterré vivant. Une demoiselle d’Augsbourg étant tombée en léthargie, on la crut morte, et son corps fut mis dans un caveau profond, sans être couvert de terre. On entendit bientôt quelque bruit dans son tombeau ; mais on n’y fit pas attention. Deux ou trois ans après, quelqu’un de la famille mourut : on ouvrit le caveau, et l’on trouva le corps de la demoiselle auprès de la pierre qui en fermait l’entrée. Elle avait inutilement tenté de déplacer cette pierre, et elle n’avait plus de doigts à la main droite, qu’elle s’était dévorés de désespoir. »

Ici, planches de l’édition de 1826 sur le site de la bibliothèque électronique de Lisieux; et ici, l’ouvrage sur Google Books.

– Je me permets ici de rajouter quelques indications concernant le Livre de Toth, puisqu’il s’agit souvent d’un sujet à méprises. Toutes les traditions s’accordent à dire que le livre fondamental de la Connaissance fut écrit par Thot (identifié par la suite à Hermès). Les Egyptiens en firent un dieu, inventeur de l’écriture et scribe du Pays des Morts. Mais il s’agit sans doute d’un homme peut-être rescapé d’une civilisation engloutie qui enferma l’essentiel de son savoir dans un document à l’étonnante destinée. On brûla le Livre de Thot à plusieurs reprises au cours de l’histoire de l’Egypte ancienne, mais sa disparition ne fut que provisoire puisqu’on le retrouve toujours, jusqu’au premier siècle de notre ère.Sa dernière apparition date de son engloutissement dans les flammes de la Nécropole avec le prince Neferkaptah, fils du pharaon Mer-neb-Ptah, étrangement introuvable dans les sources.

Le plus curieux est que chaque fois que quelqu’un, magicien ou autre, prétend être en sa possession, un regrettable accident interrompt tristement sa carrière… Que contiendrait donc ce livre ? Il s’agirait de prodigieuses révélations, si l’on en croit les auteurs qui en ont parlé. « Nos ancêtres avaient découvert l’art de créer des dieux, est-il dit dans l’Asclepius. Ils fabriquèrent des statues et parce qu’ils ne savaient pas créer des âmes, ils appelèrent les esprits des démons et des anges et les introduisirent grâce au mystère sacré dans les images des dieux, de sorte que ces statues ont reçu le pouvoir d’exercer le bien et le mal. » Encore d’étranges automates donc, et toujours cette notion de diables, d’anges qui rappellent les aventures de John Dee. C. Daly King, considéré à juste titre ‘comme un auteur sérieux’, pense que le Livre de Thot circule encore et véhicule de prodigieuses connaissances interdites, ainsi que des secrets pour fabriquer d’incroyables machines. Il décrit cette science que l’Egypte a sans doute héritée d’Atlantide dont la « spécialité était la connaissance objective, réelle, de l’univers réel… ». Il explicite en particulier, et entre autres, les secrets des « miroirs »… d’étranges appareils qu’il nous faut bien nommer ainsi, faute d’en savoir plus, et qui autorisent toutes les merveilles. Et, encore une fois, il y est question d’automates, d’androïdes et de création de la vie…

Néanmoins, je doute de la possibilité de circulation d’un tel livre. Car la légende décrit bien ce qu’il advint de l’ouvrage, malgré quelques variations d’interprétation (qui amènent à reformuler les postulats de base) : « The book of Thoth is said to be hidden inside a golden box, which is contained in a silver box inside a box of ivory and ebony encased in a sycamore box which is found in a bronze box contained in an iron box. The keys of each box, if the myth is taken into context, were hidden across the Egyptian Empire by either the Gods, the son of Neferkaptah or Neferkaptah himself, depending on the version of the legend, and the keys were either put under the charge of trusted friends, hidden in hard-to-reach places or placed under guard of beasts or enchantments and curses, as prevention to the curses that the Book placed upon the reader. » Ainsi, placé à lintérieur d’un cercueil inextricable de boîtes successivement imbriquées, dont les clés respectives ont été dispersées et placées sous la protection de puissants charmes, le manuscrit n’a certainement jamais été découvert.

– Quelques extraits des Stances de Dyzan, reconstituées avec effort par des inconnus à partir de diverses sources : [] indique qu’il manque ici des morceaux du texte. Peut-être existe-t-il d’autres stances, seules douze ont pu être réunies.
() indique des variations de traduction ou des notes.

STANCE I
[ La STANCE I décrit l’état du tout unique pendant une première période qui se situe avant la première vibration de la manifestation en voie de réveil.]
La mère éternelle enveloppée dans ses robes à jamais invisibles avait de nouveau sommeillé pendant sept éternités. Le temps n’était pas car il dormait dans le sein infini de la durée. Le mental universel n’était pas car il n’y avait rien pour le contenir. Les sept chemins de béatitude n’étaient pas. Les grandes causes de la misère n’étaient pas car il n’y avait personne pour les produire, ni pour tomber dans leur piège. Les ténèbres seules remplissaient le tout sans bornes car le père, la mère et le fils étaient de nouveau un et le fils ne s’était pas encore réveillé pour la roue nouvelle et son pèlerinage sur elle.
Les sept seigneurs sublimes et les sept vérités avaient cessé d’être et l’univers, fils de la nécessité était exalté par le souffle de ce qui est et cependant n’est pas. Rien n’était. Les causes de l’existence avaient été éliminées ; le visible qui avait été et l’invisible qui est reposait dans le non-être éternel, l’être unique.
Seule l’unique forme d’existence s’étendait sans bornes, infinie, sans cause, dans un sommeil sans rêves et la vie vibrait inconsciente dans l’espace universel, partout en cette présence absolue qui est ressentie par l’œil ouvert. Mais ou cet œil était il lorsque l’univers était dans sa première période et que la grande roue n’était pas ?

STANCE II
[La STANCE II décrit un état assez rapproché de celui que décrit la STANCE I mais qui est en réalité vraiment différent. Le lecteur doit donc se laisser guider par son intuition et ses facultés supérieures pour décoder les allégories présentes dans ce texte.]
[] Ou étaient les constructeurs, les fils lumineux de l’aurore ? [] Dans les ténèbres inconnues, dans leurs véhicules de lumière. Les producteurs de la forme depuis la non-forme, la racine du monde, reposaient dans la félicité du non-être… [] Ou était le silence ? Ou se trouvaient les oreilles pour le percevoir ? Non, il n’y avait ni silence ni son : Rien que le souffle éternel qui ne cesse jamais, qui ne se connaît pas lui-même. L’heure n’avait pas encore sonné ; le rayon n’avait pas encore jailli dans le germe ; l’univers ne s’était pas encore gonflé. Son cœur ne s’était pas encore ouvert pour laisser entrer le rayon unique et le laisser tomber ensuite comme trois en quatre. Les sept n’étaient pas encore né du tissu de la lumière. Les ténèbres seules étaient père-mère et ce père, cette mère étaient dans les ténèbres. Après trois cent millions d’années, la terre se retourna. Elle se coucha sur le flanc et de son sein sortirent des créatures aquatiques terribles et mauvaises.

– Et enfin, en exclusivité, quelques considérations sur les fragments des manuscrits Pnakotiques :

Traduits en anglais et compilés en livre au XVe siècle, ces mystérieux manuscrits Pnakotiques ne seraient ni plus ni moins que des reliques rédigées par la Grande race qui régnait sur la Terre il y a cinquante millions d’années qui se nommait« Les Yithiens. » L’auteur de cette compilation affirme d’ailleurs que les Manuscrits Pnakotiques seraient préhumains. Les documents originaux sont composés d’un ensemble de dix-neuf tablettes écrits dans un mystérieux et très ancien langage qui ne ressemble à rien de ce qui est connu sur terre. Les connaissances linguistiques doivent être totalement réinventées si l’on veut en déchiffrer le sens général. A l’heure actuelle, il n’en existe que cinq versions connues gardées précieusement dans des bibliothèques européennes et américaines, dont la bibliothèque de l’Université Miskatonic : quatre exemplaires sont des manuscrits de la traduction anglaise, le dernier est une ancienne traduction hyperboréenne.

PREMIERE TABLETTE
ALTAK REDOK HOB SOG FROGHTAGH

« Nous, les habitants de Her-Mestoth, de la grande cité de Yith, annonçons à l’univers que pour nous, la Terre n’existe pas. Elle flotte dans l’infini du néant et se rapproche chaque jour un peu plus d’une fin qu’elle ne peut pas connaître. A l’extérieur, le reste des mondes gravite et dérive à perte d’imagination. Chaque monde est peuplé par les Inférieurs et observé par les Supérieurs, les habitants d’entre les mondes. Les Inférieurs sont les habitants de tous ces mondes, ceux qui subissent et endurent. Tous ne sont pas aussi misérables que les humains mais chacun reste sujet à la fatalité et aux desseins des Supérieurs. Mortels dans l’âme. Seule l’adoration leur permet d’influencer faiblement leur malheureuse destinée. L’adoration véritable et la vénération ultime peuvent sublimer l’esprit en le rendant esclave de ceux qu’il a choisi de servir. C’est par l’élimination des siens que la preuve d’une telle supériorité peut être faite. C’est en tuant son frère que l’on renie sa famille. C’est en tuant les siens que l’on s’élève spirituellement. C’est en sacrifiant le genre humain que l’on s’en détache à jamais. C’est parce que l’homme en particulier et les Inférieurs en général sont bien trop insignifiants pour s’admirer eux même qu’ils doivent se tourner vers des créatures supérieures; une récompense comparée au reste des ombres qui peuplent les mondes. Les Supérieurs évoluent entre les mondes. Certains ne sont que le fruit du désir des mortels. Ils sont horriblement cauchemardesques mais bien réels. Horreur extrême pour l’inculte et perfection merveilleuse pour celui qui a choisi de suivre la voie. Aucun ne peut répondre à l’appel Inférieur. Il peut simplement détourner son chemin pour plonger dans son propre élément reconstitué par le biais de l’idôlatrerie. Les récompenses décernées ne sont que merveilles pour l’adorateur. Plongé dans fange obscure, il ne peut réaliser à quel point les présents qui lui sont faits ne sont que misères insondables pour celui qui dirige. »

SECONDE TABLETTE
ALTAK AROK MABROK

« Nous, les habitants de Her-Mestoth, de la grande cité de Yith, annonçons à l’univers que chacun de nos globes possède au moins un serviteur. Quelque chose qui lui est inférieur, qui le sert par la force des choses ou accepte de le servir par la force tout court. Le soleil sert la Terre, le cheval sert l’homme, les Inférieurs servent les Supérieurs. Seuls les Dieux ne servent qu’eux même et leurs propres serviteurs ont une puissance propre qui dépasse l’imagination la plus terrifiante. Les Dieux ont le pouvoir de contrôler les éléments, de se faire servir par eux puisqu’ils sont ces éléments. Tandis que l’inférieur subit les éléments qui le servent et le desservent tour à tour sans aucun contrôle. L’homme ne peut survivre et se sublimer que s’il comprend son destin et sa fonction. Servir les Anciens est un privilège et un aboutissement accordé à chacun d’entre nous. Il ne s’agit pas d’un choix ou d’une simple liberté mais d’une obligation. Les Anciens sont nos maîtres incontestés, rien ni personne ne peut échapper à leur contrôle et il sera toujours préférable de se sacrifier pour leur avènement que de survivre en dehors de leur influence. C’est dans cet esprit que chacun de nos enfants doit être élevé et sacrifié. Peut-être sera t-il un jour transporté jusqu’à Kadath par un Voleur d’Entre-les-Ombres pour y être dévoré par les Fouisseurs d’En-Bas. Son sang marquant à jamais les dalles immémorables de basalte sombre. Combien d’entre nous ont ainsi glorieusement terminé leur destinée au milieu des milliards de dépouilles qui rempliront à jamais la vallée de Fraïmm formant un véritable océan d’os dont les vagues et les marées ne sont autres que les mouvements cyclopéens des Dholes dont la taille n’est en vérité comparable qu’à la sagesse et la connaissance acquise dans l’attente du jour où la Terre elle-même sera à l’image de cet océan.»

DIX-HUITIEME TABLETTE
FRAMAG BNAGANTAG

« Nous, les habitants de Her-Mestoth, de la grande cité de Yith, annonçons à l’univers que rares sont ceux qui préparent l’avènement de ceux que nous vénérons. Plus rares sont ceux qui survivront à leur venue. Unique est celui qui a déjà périt plusieurs fois par dévotion. Carl, Anton, Marc… ses multiples visages sont autant de vies dédiées aux Anciens. Autant d’incroyants torturés, de cultes anéantis, de rituels régénérés, de barrières pulvérisées. Sa connaissance est telle que les écrits forment à présent partie de sa personne. Ainsi il inventa la double présence. Celle qui autorise le simple humain à parcourir les hautes terres jusque là réservées aux rêveurs. Deux présences, autant de destins et un seul et même dessein originel. Servir le Messager et régner sur Céléphaïs, anéantir Yig et réveiller Yib-Tsstll, restaurer la grandeur de R’Lyeh et provoquer la chute d’Ulthar, offrir tant de cauchemars aux humains que le plus pacifiste des rêveurs devienne à jamais un psychopathe hanté par son intarissable soif de souffrance. Les Anciens savent t-ils ? Cette grandeur colossale leur apparaît t-elle dans toute sa dimension ? Et qu’adviendrait t-il du misérable si seulement le plus petit des serviteurs découvrait tant de pouvoirs abandonné à celui qui aimerait être Dieu ? Il serait écrasé immanquablement avec une sauvagerie que même son esprit abandonné ne peut entrevoir ni même imaginer. Car celui qui veut sceller le sort de l’humanité à l’abri des Anciens édifie son propre destin à l’ombre de son anéantissement. Il périra donc, aujourd’hui ou demain, ici ou ailleurs, anéanti et oublié.»

DIX-NEUVIEME TABLETTE
FRAMAG K’TAALOG ETAK ROLFAK NATOG

« Nous, les habitants de Her-Mestoth, de la grande cité de Yith, annonçons à l’univers que dans les entrailles de la mer d’Opale, l’ancienne ville de K’Taalog s’érode en silence. Immobile et oubliée, elle semble attendre une renaissance qui ne viendra plus. Rien ne résonne plus désormais dans ses ruelles étroites autrefois foulées par les prêtres portant leur sacrifice quotidien à la porte des Anciens. Cette porte sculptée par le grand Néothrope lui-même et dont l’effondrement précipita la chute de la cité. Pourtant, en plein cœur de cet oubli, s’élèvent toujours les neuf stèles de Brag T’Baghar. Chacune d’entre elles est orientée vers une dimension différente et confère à la dalle placée en leur centre le pouvoir de projeter toute forme à travers le temps et l’espace. C’est ce voyage sans retour qu’entreprenait chaque année le Grand Shaman de K’Taalog. Les festivités qui accompagnaient son geste symbolisaient la conquête par le culte d’un nouveau lieux vierge de toute croyance. Le choix du nouveau Shaman était alors soumis à la volonté des Shantaks. Le plus ancien prêtre attachait tous les apprentis sur la terrasse du temple et convoquait les Shantaks qui amputaient les deux mains de l’Elu. Cette coutume particulière privait le nouveau Shaman de tout sens tactile et prouvait ses hautes facultés spirituelles
Yo Shob Nograth Etak Rolfak Natog Etak Rolfak Ala Stroshta Stroshta Stag’n Iagta’erba Nofraba Ictor Ftag’n Hob Sog Froghtagh Elaph Nartok Zgar Ala Sstroshta Stroshta Stag’n Iagta’erba Nofraba Ictor Ftag’n …

Le casseu’ de bois

Posted in Poème on avril 25, 2010 by Cendres

Il était au village des Brandes un curé, colossal et bon, ancien des régiments
Qui préférait -tel était son défaut- la saveur de la bière rustique coulant à la taverne voisine
Au vin de messe, à l’hostie et aux belles prières devant l’autel pour tous les indigents.
Souvent il ne rentrait que lorsque dans le monastère lointain sonnait la cloche de matines,
Et s’enfuyait alors en titubant par les vieilles sentes, sous l’oeil d’une lune maligne.

Il fut une nuitée où le brave homme, délaissant par envie son cruchon plus tôt que d’ordinaire
Partit sur la lande mystérieuse, dépassant bergeries et chaumières depuis longtemps assoupies
Bravant fièrement de son statut d’homme de Dieu les meneux de loup et autres sorcières.
Charmements et charmognes ne l’effrayaient guère, pensez ! De toute sa robuste vie
Il n’avait jamais été crédule, accompagnant soldats à la bastaille aussi loin que le soleil luit.

Parvenu à une très vieille buissonade isolée, qu’entouraient moult vapeurs et brumes
Notre bon curé s’en voulut, et commença à songer à bonne flambée et bonne bectance.
Hélas, il était si opiniâtre, fruit de ses vagabondages ! Qu’il s’avança tel le marteau sur l’enclume
Ne prêtant plus attention à la froidure de l’air ni au vent qui se levait en un étrange silence.
Il pénétra donc dans le sombre bois, suivant un vieux chemin de terre avec force et assurance.

Se trouvant au cœur de l’étrange bosquet, il ne pouvait plus apercevoir le ciel ni ses estoiles
Cependant, il se savait proche de la minuit. C’est alors qu’il aperçut un grand rond de feu blanc
Flambant à quelques pas de là, au milieu des fourrés, illuminant les arbres d’une lueur spectrale.
Un tel défi apparent empli de fureur l’ancien aumônier des régiments, qui s’élança, vociférant
De sa plus grosse voix et les yeux fous. Parvenu au diabolique foyer, il sauta vite dedans !

Non seulement il ne fut ni grillé ni rôti, mais il n’y ressentit de plus nulle tourmente de chaleur
Alors qu’autour de lui voletaient des chouettes effrayées, et que les arbres, bizarres témoins
Semblaient s’élancer dans quelque giguedouille magique et rituelle, qui couvrit le bon curé de sueur.
Arrivant en un subit ouragan, le gnome affreux déboucha dans la petite clairière d’un air, ma foi,
Diabolique et narquois; une longue chevelure de lichen et de mousse, pardi c’est le casseu’ de bois !

Notre pauvre et pieux bonhomme, rendit finalement son salut à ses mânes et détala sans un mot
Courant follement jusque chez lui, céans, où il s’effondra violentement contre l’huis, le cœur battant.
Depuis lors, et jusqu’à présent, le curé des Brandes ne quitte plus sa chapelle comme tantôt
Pour courir sentiers et routes, la nuit venue et ne cherche plus d’autre réconfort qu’en Dieu aimant.
Ramasser du bois mort pour l’hiver lui est pénible -qui sait où le casseu’ de bois l’attend en ricanant ?

La maison qui rêvait, 2nde partie

Posted in Nouvelles on avril 12, 2010 by Cendres

Contemplant prudemment la pièce autour de moi, m’attendant à ce qu’elle ait changé, je m’aperçus qu’il faisait déjà jour, et qu’à la tourmente de la veille avait succédé une matinée radieuse, dégagée de tout nuage et autres trublions atmosphériques. Un chaleureux rai de lumière inondait la chambre, et me la présentait effectivement sous un angle totalement différent de celui, beaucoup plus fantastique, de sa visite dans les conditions que vous savez. Grace n’était plus à mes côtés, ce qui ne m’étonna pas outre-mesure : elle avait toujours été plus dynamique que moi, et se levait chaque jour une heure avant moi, même lorsque je devais aller travailler. Je me levai donc difficilement, avec la désagréable sensation de m’extirper d’un banc de vase, m’étirai longuement avant d’aller contempler l’arrière de la maison qui s’étendait sous la fenêtre, autant par curiosité que pour profiter de la bienfaisance des rayons de soleil. Ils dissipèrent rapidement presque tout le malaise qui me restait de cette nuit plutôt atypique, et je me concentrai sur l’image qui s’offrait à moi : un jardinet en friche, à l’apparence inculte et sauvage, sous les vestiges duquel se dessinaient encore vaguement le dessin complexe de motifs géométriques indiscernables. On y trouvait quelques arbres, apparemment plantés sans intention particulière, un cabanon à outils et un certain nombre de vieilles pierres couchées, dormant sous les hautes herbes. Ce tableau mélancolique avait pour cadre le mur d’enceinte qui, imperturbable, clôturait ce côté-ci de la demeure avec autant d’efficacité qu’il en était pour l’entrée; au delà s’étendaient d’une part les limites d’une propriété abandonnée, d’autre part celles des étendues planes et inoccupées qui caractérisent encore la lisière des petites villes figées dans le temps, comme Arkham. Je me sentis les lèvres subitement sèches, et je m’arrachai à la contemplation afin de me rendre à la cuisine, où j’escomptais trouver ma femme. Je dois dire qu’à ce moment précis, et sans que je sache vraiment l’expliquer, je ne tenais pas à me sentir seul dans ces salles et dans ces corridors si banalement étranges. Je me hâtai donc de rejoindre les escaliers centraux, avant de trottiner comme un enfant vers ce que j’identifiai comme une odeur de toasts et de café. Déboulant dans la cuisine, j’y trouvai une Grace fraiche et souriante, affairée à préparer quelques œufs sur du bacon ainsi qu’à verser des flots d’un café bouillonnant, noir et à l’arôme fort dans une chope gigantesque. Le simple fumet de ce petit-déjeuner robuste et savoureux suffit à me réveiller entièrement, et à me dégager complètement des ultimes lambeaux de la nuit passée. Je m’installai d’un côté de la table carrée qui trônait au centre de la pièce, décidant de manger dans cette cuisine si accueillante, ronronnant de mille bruits délicats et réconfortants. J’engloutis une première tasse de café, puis une seconde avant d’attaquer en silence la grande platée d’œufs qui m’était présentée, îlots dorés harmonieusement répartis sur une mer ivoirine, sous laquelle gisaient les ruines divinement carnées de lamelles de bacon. Tout à mes préoccupations poétiques, je trouvai tout de même le temps d’interroger Grace quant à la provenance de ces victuailles fraîches; était-elle allée effectuer quelques achats avant que je ne me réveille ? Non pas, et j’aurais dû m’en douter puisqu’elle était encore à peu près en l’état où elle s’était effondrée la veille : jamais elle ne serait sortie ainsi. Je supputai alors que c’était M. Stone qui avait approvisionné le garde-manger de la résidence peu avant notre venue, persuadé qu’il l’était de nous faire passer ici les premières heures de notre nouvelle vie. Ma femme se rangea à mon avis et entreprit de faire la vaisselle, me laissant seul et pensif. En effet, cette très courte discussion avait eu pour résultat de ramener le spectre de la raison de notre présence ici, ainsi que la manière incongrue dont s’était déroulée notre entrevue de la veille. Bien qu’il puisse vous sembler ridicule que j’évoquasse ce souvenir comme quelque chose que j’aurais pu oublier, ou en tout cas qui s’estompait déjà dans ma mémoire, j’avais en tout cas énormément de mal à me convaincre que tout cela s’était déroulé il y avait à peine quelques heures, et que j’avais pu signer aussi aveuglément un contrat d’une telle importance, sans rechigner ni vraiment questionner, avec un nain de foire. La nuit m’avait semblé un interminable écran, une ligne qui, une fois dépassée, ne permettait plus d’apercevoir le chemin d’où l’on provenait, par quelque moyen que ce fut. C’était extrêmement angoissant, et je décidai donc fermement de trouver le plus tôt possible le petit bossu, c’est à dire immédiatement après avoir fini les derniers toasts. Je regardai l’heure à l’horloge, et jugeant qu’il était suffisamment tard pour prétendre à le déranger, je retournai à l’étage. Ayant prévenu Grace, je m’arrangeai prestement, mis mon chapeau, embrassai ma femme et sortit, dans l’air vivifiant et encore humide de cette belle matinée.

Malgré son appel rutilant après la pluie, je dédaignai la voiture et décidai de découvrir un peu le complexe entrelacs de ruelles, de culs-de-sac, de traverses et autres antiquités de cette ville. J’espérais aussi et surtout faire connaissance avec certains de ses habitants, qui sauraient répondre à mes questions, dont la plus importante concernait actuellement la demeure sans nom ainsi que l’intermédiaire qui nous l’avait introduite. Remontant donc Halsey Street, je ne vis personne, et je pus constater que l’abandon presque total de la rue n’était en rien imaginaire : la plupart des maisons y étaient d’apparence aussi ancienne que la notre, mais inoccupées elles paraissaient avoir plusieurs centaines d’années supplémentaires, leurs façades noircies épisodiquement recouvertes par quelque mauvaise plante grimpante, leur toiture défoncée et trouée à outrance et leur tranquillité muette, morte. Les seuls éléments qui tenaient encore au corps du logis étaient les volets et les portes, d’apparence robustes, qui verrouillaient avec détermination les bâtiments successifs. Comme pour les empêcher de parler, songeai-je avec une émotion loin d’être feinte. Pressant le pas, je dépassai la dernière de ces ruines et intégrai le labyrinthe qu’était Arkham, à proprement parler. Je ne rencontrai que peu de gens durant mon voyage, la plupart d’entre eux évitant soigneusement de croiser mon regard ou de donner le moindre indice d’une envie de communiquer; pis, certains m’évitaient ostensiblement, allant jusqu’à changer leur itinéraire et à disparaître le plus rapidement possible lorsqu’ils m’apercevaient, ce dont je me rendais compte à leurs mouvements brusques et parfois désordonnés. La fréquence de ces épisodes me fit soupirer, et bientôt m’exaspéra à un tel point que ma pédanterie d’urbain refit surface, m’amenant à fendre tel un éperon ce que je m’imaginais être de la crasse médisance et du bas sectarisme. Enfin, suivant mes pas, eux-mêmes guidés par le hasard, je débouchai sur l’université devant laquelle je m’étais arrêté pour demander mon chemin une première fois, et qui n’était pas si petite que ce qu’il m’avait alors semblé. Derrière de hauts murs à l’aspect solennel, porteurs de secrets anciens, se dressaient plusieurs bâtisses qui rivalisaient de sobriété les unes avec les autres, ainsi que plusieurs grands arbres. Elle s’étendait donc sur un terrain considérable, en plein cœur de la ville, que jouxtait un assez large cours d’eau aux courants impétueux, aux flots noirs et limoneux . Après interrogation de ma carte de la région, je l’identifiai comme la rivière Miskatonic, dont l’université semblait tirer son nom. C’est alors que je remarquai un espace dégagé un peu plus vaste derrière moi, enserré par quelques vieux saules blanchis et tordus, ressemblant grossièrement à une place et qui abritait dans ses renfoncements quelques commerces, dont un troquet et une épicerie. Après une courte hésitation, j’optai pour le troquet dont je poussai la porte avant de jeter un regard circulaire vite déçu : la salle principale, basse de plafond et d’un aspect guère engageant, était quasiment vide à l’exception d’un ou deux habitués qui sirotaient consciencieusement leurs consommations, dans une telle apathie qu’on les aurait cru partie intégrante du décor. J’avisai donc le patron, un homme plutôt replet à la fine moustache, qui était occupé à nettoyer des verres n’ayant pas dû être utilisés depuis que j’étais né, au bas mot. Dérangé dans son travail, il me demanda ce que je voulais tout en me dévisageant; persuadé de trouver rapidement réponse à mes interrogations, j’expliquai : « Bonjour, je m’appelle James Warden, de Boston. Je suis venu jusqu’ici pour visiter, et finalement acheter une maison de cette charmante petite ville, située un peu plus loin d’ici. Malheureusement, le tout s’est passé tellement vite que j’ai des questions à poser à la personne qui s’est occupée de nous. Elle ne m’a pas laissé d’adresse, et je n’ai aucun numéro de téléphone non plus pour la joindre; en revanche, elle m’a précisé que les locaux sauraient certainement m’indiquer où la trouver, si besoin était. C’est pour cela que je viens vous voir, et vous demander ce petit renseignement. » L’homme en tablier me regardait toujours, les bras maintenant croisés sur la poitrine, sans mot dire. Je pensai qu’il attendait la suite, et me décidai donc à poursuivre : « Il s’appelle M. Stone, de petite taille, l’air âgé. Il travaille pour une famille assez importante, comme  intendant ou je ne sais quoi, mais pour moi il a des airs de notaire, ou d’avocat. Quoi qu’il en soit, il m’a vendu la maison familiale de ses maîtres qui se trouve au 13, Halsey Street et… » Mes mots furent suspendus dans leur envol par le bruit inattendu d’un verre qui explose, coupant court à ma tirade et ramenant un silence religieux et menaçant dans la salle.

Du coin de l’oeil, j’aperçus l’archétype d’un mendiant sale et hirsute enjambant la flaque de bière ainsi que les débris, qui se dirigeait vers moi. Il jeta un regard énigmatique et narquois au malheureux client, qui ne broncha pas, immobilisé de stupeur. « Vous… avez acheté… cette maison ? » articula difficilement le gérant, visiblement troublé. Son oeil gauche se plissait sous l’effet de la crispation, et je voyais nettement se dessiner le contour salé de perles de sueur sur son front, nullement justifiées par la température clémente de cette cave solitaire. Je ne répondis pas, lassé par l’étrangeté des réactions que je rencontrais dans cette ville aux toits effondrés et aux murs de guingois, et je m’apprêtai à sortir afin de poursuivre mes recherches lorsqu’une main osseuse se posa sur mon épaule. Il s’agissait du clochard, pauvrement coincé dans un amas de frusques en coton grossier  et me souriant de toutes ses dents ébréchées; sans dire un mot, mettant un doigt devant sa bouche à la manière des conspirateurs, il m’entraîna vers l’extérieur, attrapant au vol une pièce d’un dollar que lui lança le patron, dont le teint était devenu cireux. Dès que nous fûmes dehors, il dévoila une nature obséquieuse et agitée, se passant fréquemment une langue fine et reptilienne sur ses lèvres et m’étourdissant d’un flot de paroles que je ne compris pas tout de suite. Il parlait vite, et dans un anglais qui me semblait tellement archaïque ou déformé que je ne pouvais en suivre qu’une infime partie; peu à peu hypnotisé par la mélodie déformée, bosselée et étrangement rugueuse de l’ensemble, je me perdis dans ce que je croyais être des pensées personnelles et passagères. Tout en observant ses mimiques et ses grimaces, je me dis que cet homme sentait la mort, non pas la promesse de la mort dans l’attente, mais sa présence immédiate, l’odeur des ossuaires et des linceuls, l’odeur des tombeaux et des sarcophages. L’odeur des chrysanthèmes pourris sur les tombes, celle de la luxuriance végétale humide que l’on ne rencontre que dans certains cimetières immémoriaux. Il était sale, ébouriffé, les cheveux pleins de terre et de poussière, le menton affaissé, le front minuscule, et pourtant une flamme d’une incroyable froideur brillait dans l’espace insondable de ses yeux, démentant le minable de l’apparence générale. Tandis que je m’absorbais dans sa contemplation, il parlait, parlait encore et toujours, semblant ne pas s’apercevoir de mon état, aussi peu que je m’en inquiétai alors, et le rythme de ses paroles commença alors à muter, lentement, insidieusement. Les phrases, parfois accélérées, parfois ralenties, couplées, démultipliées ou disséquées, arrangées, mélangées, assourdies, étaient prélevées et brodées en un nouveau canevas, laissant apparaître le dessin d’un sens primordial et indicible à travers ce qui n’était l’espace d’une minute auparavant qu’un babillage éméché. Mes yeux s’écarquillaient enfin sous l’effet de la stupeur, dilatés par l’effroi absolu des espaces infinis qui m’étaient livrés, tandis que la mélopée continuait, se matérialisant toujours plus avant selon des angles inconcevables pour une pensée terrestre, qui portaient en eux un lourd ricanement quant à l’ignorance de ma race. La place, le mendiant, Arkham, le ciel bas et moqueur, tout se fondait dans un unique dessin aux limitations infinies, tandis que je tombai en tous sens, que je tombai en moi-même et dans un vide abyssal, porté seulement par le ruban trans-hélicoïdal de cette litanie nauséabonde pour l’homme. Il y eut un éclair noir et douloureux, dans lequel je me vis mourir, et je réintégrai violemment mes chausses, tremblant de tout mon être, ébloui par la très pâle lueur artificielle du soleil, hébété et terrifié. En face de moi, l’homme me regardait d’un air mi-soucieux, mi-amusé, la prévenance de ses mots nullement confirmée par le ton de sa voix, désormais intelligible : « Allez-vous bien ? Voulez-vous que je vous aide à vous asseoir chez ce bon vieux Larry, afin de vous y reposer un peu ? Ce doit être l’air de la ville, il est très peu salubre vous savez. A moins que ce ne soit votre emménagement : si vous avez réellement pris le parti d’habiter au 13, Halsey Street, il y a de fortes chances que ces… faiblesses se reproduisent. » Tout en souriant doucereusement, il avait buté sur les derniers mots, comme si il les voulait aussi ambigus que possible et qu’il y avait intégré une plaisanterie à l’intention de lui-même. Reprenant mon souffle, j’essayai de lui expliquer qu’il ne s’agissait pas d’une faiblesse mais aucun son ne sortit de ma bouche, scellée par quelque obscure volonté. Tournant les talons, il se mit à clopiner vers le Miskatonic, marmonnant dans sa barbe avec parfois de soudains mouvements de tête, suivis de brusques cris, comme si il eut été effrayé par quelque chose. Mais il repartait d’un rire silencieux l’instant d’après, comme si de rien n’était. Enfin, sortant un vieux chapeau de feutre usagé d’une de ses poches, il se retourna et me lança tout en l’enfilant, de l’endroit où il se trouvait : « Au fait, mon bon sieur, vous allez certainement chercher longtemps pour avoir une réponse à vos questions, mais voici ce que le pauvre imbécile que je suis puis vous offrir : il n’y a pas de M. Stone, ni dans ce monde ni dans un autre. Quant à ses prétendus employeurs… mieux vaut ne pas savoir. » Sa sinistre tirade terminée, il s’enfuit misérablement, trébuchant plus que courant, disparaissant pourtant en un tournemain dans le dédale des rues étroites d’Arkham. Sur les maisons aux volets toujours tirés, quelques corbeaux s’envolèrent.

Vous savez inspecteur, je pensais moi aussi avant cet incident que tout ici-bas provenait de coïncidences et d’évènements explicables, démontrables et logiquement classables. J’avais jusque alors refusé de montrer aucune autre spiritualité que celle imputable à ma culture chrétienne, et je luttais, depuis le début de cette bizarre situation, vigoureusement contre cette impression d’immensité qui m’assaillait, ce vide primordial et angoissant qui anime la matrice de nos créations et de nos croyances. J’aimais à penser que le rêve s’explique facilement, aussi facilement que le besoin pour l’homme de manger; je n’y voyais que reflets déformés de la réalité, substitution malsaine d’un monde de fantasmes à un monde de devoirs . Et pourtant, bien que les hommes saluent leur terre du nom de réalité et flétrissent de celui d’irréalité la pensée d’un univers originel aux dimensions multiples, c’est, en vérité, exactement l’inverse. Ce que nous appelons substance et réalité est ombre et illusion et ce que nous appelons ombre et illusion est substance et réalité. Il y a, voyez-vous, un rêve derrière le rêve, un ultime secret que très peu peuvent percevoir, et dont l’accès est gardé par des sortilèges et des vérités qui rendent dément par leur simple existence; il y a, par delà le mur du sommeil et le rempart des songes un sanctuaire immatériel, splendide et écrasant que nul esprit humain ne peut contempler sans être définitivement consumé. Mais allons, continuons donc le récit, j’arriverai bien assez tôt à ce qui me donne tant de sueurs froides et de crises nocturnes.

Ne sachant que faire, désemparé et choqué, je restai sur cette petite place lugubre durant un temps indéterminé, assis sur l’un des vieux bancs de pierre jusqu’à ce que le ciel ne se ternisse, virant d’une journée plutôt dégagée aux prémisses d’une nuit vaporeuse. Instinctivement, je me relevai enfin et me dirigeai vers la petite porte cochère qui jouxtait le portail de l’université, et comme je ne rencontrai nulle résistance, je la poussai complètement avant de poser le pied à l’intérieur de l’enceinte. J’espérais trouver des renseignements qui m’aideraient à comprendre tout cela dans la bibliothèque de l’établissement, où j’étais persuadé de rencontrer des gens d’une plus haute stature intellectuelle pour me répondre. J’escomptais le fait que certains petits érudits locaux seraient probablement ravis de me faire la leçon, et de dissiper la mauvaise presse que m’avaient jusqu’alors tenue les habitants au sujet de ma nouvelle demeure. Je fus instantanément absorbé par un tapis végétal humide et profond, dont l’herbe mal entretenue se courbait et se broyait aisément sous mes pas. Des dalles de pierre mal définies égrenaient un chemin difficilement discernable, engloutie par la luxuriance étrange qui habitait les lieux. Les bâtiments visibles étaient modestes, d’aspect branlants, et peu de leurs fenêtres mornes s’éclairaient d’une quelconque lumière palote. Le grand parc intérieur semblait désert, et ses grands arbres solitaires semblaient dissimuler quelque secret inaccessible à mon entendement, destiné à être chuchoté aux lointaines étoiles lors de nuits innommables. D’antiques serres s’alignaient près de la clôture est, dont les formes torturées du fer forgé s’accouplaient dans un inceste permanent avec les impassibles carreaux de verre; on n’y pouvait rien apercevoir, les miasmes de la pourriture et de la décomposition ayant totalement embué les vitres, parfois teintées de projections écœurantes. Dieu seul savait quels végétaux inconcevables pouvaient bien avoir été cultivés ici, et je ne brûlais absolument pas de l’envie de m’en informer. La mousse était visible partout, gangrénant de son étreinte luxuriante et insalubre le tronc des arbres infortunés, qui semblaient dresser leurs corps malades en de muettes supplications; ailleurs, sur les bâtisses grimpait un lierre vénéneux impitoyable, aux allures de longs filaments arachnéens. Tout ici respirait la négligence et la décrépitude, et j’étais hanté par l’insupportable idée croissante que j’étais la première créature vivante à troubler ce silence séculaire. Une vague d’effroi me saisit, faisant déferler sur moi ses lames de noirceur suggestive qui semblaient me chuchoter à l’oreille de très anciennes mises en gardes ainsi que les sonorités gutturales d’invocations païennes. Je continuai tant bien que mal à avancer, jusqu’à me trouver au pied du bâtiment central austère et sérieux, au toit branlant et aux tuiles luisantes. Le vent qui se levait semblait courir et danser lascivement dans les courbes modestes de son architecture, donnant l’impression de la distordre par instant comme si il avait l’intention de l’arracher à son socle de terre pourrie par les siècles, et de l’entraîner jusqu’aux ténèbres absolues des cieux. Malgré ces pensées funèbres et poisseuses, je poussai la porte d’entrée et m’introduisis dans l’université à proprement parler, où j’errai sans rencontrer personne durant une dizaine de minutes. L’endroit m’apparaissait comme de plus en plus curieux, et n’eût été mon inconscient appétit de découvertes aussi aiguisé, j’aurais sûrement tourné les talons à cette antichambre de la folie meublée par les plus malfaisantes des intentions. En effet, à travers vestibules, halls, bureaux, salles de classe et d’exposition se déroulait la permanente mise en scène d’une hideuse représentation, nourrie par le charme morbide d’un subtil arrangement mobilier. Parfois amenée par une simple carte murale aux âges innombrables et aux tracés hors de toute connaissance, parfois proclamée par une série d’articles de journaux illustrés de pièces de collection que j’aurais préféré ne pas voir, la laideur glaciale dénuée de signification et de valeur trônait partout, relayée par la continuité de ses preuves tangibles : manuscrits indéchiffrables et tordus, objets inconnus dont l’usage m’échappait, crânes percés aux dimensions anormales et matières indéfinissables se côtoyaient, se renforçant dans leur présence démoniaque et troublante. Le plus écœurant dans tout cela résidait dans les rares et laconiques étiquettes accompagnant ces fragments de monstruosité, qui proclamaient toutes les pires absurdités quant aux étranges artefacts et qui éveillaient pourtant en moi le sentiment de lointains jeux de flûtiaux aux résonances exécrables et chaotiques.

J’étais pris de vertiges, encore une fois, lorsqu’une voix grêle mais maitrisée m’apostropha depuis l’entrée de la salle où je me trouvais : « Qui êtes-vous, et que faites-vous donc ici ? » Le ton, pas clairement agressif, n’admettait pourtant aucune autre réplique que la réponse à cette interrogation ferme; je me retournai donc, franchis les quelques enjambées qui me séparaient du vieux domestique afin de le saluer et de lui donner ma réponse, soulagé d’avoir enfin une présence humaine à mes côtés pour me prouver que je n’avais pas basculé hors du temps et de l’espace, dans quelque abîme stellaire parallèle. Ayant silencieusement écouté mon récit et mes demandes insistantes, le vieux et noble anglo-saxon hocha lentement de son menton racé, apparemment perdu en lui-même pendant un moment avant de finalement se reprendre et de me proposer, sans plus tarder, de me conduire à la bibliothèque de l’université, qui se trouvait dans ce même bâtiment où nous nous trouvions alors mais au troisième étage. J’acceptai mécaniquement, troublé par l’apparent manque d’intérêt du majordome pour mon histoire, qui avait jusque là été accueillie avec de si puériles réactions. Toutefois, en parcourant les longs couloirs, j’en vins à penser que l’atonie presque surnaturelle de mon guide avait quelque d’aussi, si ce n’était plus, inquiétant que les cris et les imprécations des passants. Sur l’itinéraire qu’il me fit emprunter, la décoration était réduite au strict minimum, à l’instar de toutes les montées d’escaliers, et je n’eus pas l’occasion d’apercevoir d’horreurs autres que les tapisseries décolorées et apparemment mal -sinon pas- nettoyées, imbibées de l’essence d’une poussière crayeuse  et épaisse; je n’en éprouvais cependant nul réconfort, taraudé que je l’étais par l’atmosphère vertigineuse et mystérieuse qui régnait dans cette institution mourante, pleine de corruption et de liens maudits. Après tout, Arkham était une ville de sorcières, habitée par des sorcières et maudite par des sorcières; quelle raison avais-je de croire que je découvrirais quelque chose infirmant cette nature maligne, quelque chose qui me permettrait de nier les ombres larvaires qui glissent sans remous sous les eaux calmes de nos perceptions ? Sans que je m’en rendisse compte, nous étions arrivés devant un large battant de chêne sculpté d’étranges djinns poursuivant de plantureuses nymphes, encastré dans le mur dormant d’un large couloir aux moquettes chaudes et aux senteurs de safran; étrangement, quelques encensoirs massifs et grotesques garnissaient les angles nombreux, enrobant les rares et inhabituelles plantes vertes dans de folles arabesques de fumée et d’hallucinations. Aux murs étaient suspendues quelques fines estampes d’une provenance inconnue, bien qu’à mon goût trop asiatiques dans le tracé. Sans un bruit, le vieux serviteur ouvrit la porte, me pria d’entrer tout en me pressant d’observer le silence quasi-sépulcral qui régnait ici, et referma derrière moi le bois lourdement ornementé.
Je me trouvai dans une grande et sombre salle de lecture, vide d’un bout à l’autre, garnie de petites tables individuelles et de lampes semblables à autant de lumignons blafards dans le jour déclinant. Aux deux extrémités apparaissaient des salles de consultation spéciales, tandis que tout le pourtour était garni de colossales étagères ininterrompues, isolant par les livres ce lieu du reste de l’université et du monde extérieur mieux que ne le ferait jamais aucune clôture. Ce foisonnement ouvragé et habilement disposé ne présentait qu’une exception, qu’une blessure en l’espèce d’une porte métallique située dans le mur qui me faisait face, à côté du pupitre très strict où était portée la mention « Bibliothécaire » et qui était pour l’heure aussi inoccupée que le reste de l’endroit. Barrée de serrures diverses et de notices, elle me fixait comme l’œil unique et sans pitié d’un cyclope, dans une absence totale de son et de mouvement. Il s’agissait très probablement du magasin de la bibliothèque, là où étaient gardé ses documents les plus précieux, les plus âgés et les plus fragiles, ce qui expliquait pourtant encore difficilement les précautions prises dans une si petite ville. Décidément gagné par l’atmosphère de mystère qui escortait ma journée, je m’assis lourdement à une table, écrasé par le poids du savoir de tous ces anciens ouvrages dont j’apercevais les tranches et les reliures dorées, colorées, mates ou assourdies, parfois criardes, parfois discrètes, tandis que j’en observais les dimensions, les variations de classement qui faisaient onduler en de terrifiantes vagues les rangées successives, ainsi que les différences de format. D’épais et gras dictionnaires lorgnaient de l’œil sur d’anciens codex, tandis que s’étalait plus loin une collection de rouleaux elle-même surmontée par de petits et étranges livres noirs, tous de la même dimension et à l’alignement parfait, dont l’apparence écailleuse me donna des frissons ne m’incitant pas à aller y voir de plus près. Alors que je continuais de détailler l’étonnement et le malaise que me causait cette pièce, un mouvement sur ma droite attira mon regard : il s’agissait du domestique aux favoris, qui avait entre-temps échangé sa livrée d’intendance pour un bon vêtement d’intérieur, un petit complet-veston le laissant en bras de chemise. Il se présenta comme le chef bibliothécaire, et attendit ma requête.

« Je suis un nouveau résident, dis-je sans ambages ni formalisme, et je cherche des informations sur cette ville, afin de la mieux connaître et de pouvoir apprendre les origines de ma demeure, si possible. Je n’avais pas pour intention initiale de venir ici dans ce but, mais je dois dire que certains de vos concitoyens semblent s’être donnés le mot pour me faire mauvaise impression dès le premier jour. J’ai fais l’acquisition, un peu hâtive je le reconnais, de la vieille demeure au 13, Halsey Street par l’entremise d’un certain M. Stone. D’ailleurs, si vous connaissiez quelque chose à son sujet, cela m’intéresserait fort. » Ayant sorti tout cela d’un seul trait, je regardai l’homme qui se trouvait en face de moi pour n’y déceler aucune réaction; immobile, figé comme une statue, il semblait me jauger intensément du regard, sans qu’aucun de ses muscles ne bouge, sans même que sa poitrine se soulève à l’inspiration. Il semblait perdu en lui-même, comme si il était en train d’écouter la conversation d’autres personnes extrêmement distantes, ou bien une musique lointaine; gêné, je m’apprêtais à lui demander de m’excuser lorsqu’il parut refaire surface, les yeux vitreux et la voix pâteuse, loin du timbre inflexible de notre première rencontre il y avait de cela quelques instants : « Vous êtes venu au mauvais endroit pour tout ceci, car il y a malheureusement de grandes chances que vous trouviez ici des réponses. Il est des choses que l’homme devrait toujours ignorer, ignorance pour laquelle il devrait remercier Dieu chaque jour. Pourtant, vous êtes ici dans un lieu de savoir, et l’un des plus impies qui soient; l’Université de Miskatonic a toujours tourné ses recherches vers les domaines occultes et les croyances mystiques et mythologiques, et a payé un très lourd tribut à la quête de la connaissance. Les reliques, les manuscrits et les objets les plus ésotériques se sont rassemblés ici aussi vite et aussi régulièrement que les morts et les fous; je ne suis moi-même plus assuré de ma santé mentale. J’ai parcouru les pages rongées par les vers et par le Temps de ce livre maudit entre tous, j’ai erré par les couloirs éternellement glacés de l’aile gauche la nuit, dans lesquels souffle le vent d’une autre dimension et d’une autre époque; j’ai couru après des ombres, et des ombres m’ont couru après, et j’ai entendu, couché dans mon lit, le hideux susurrement d’une voix cliquetant aux heures les plus noires. Hélas, monsieur, vous vous êtes installé dans la maison de l’ancien couple de sorciers, les Dunham. Mais, attendez. Prenez donc ces quelques livres, ils vous parleront bien mieux que je ne saurais le faire, et vous convaincront certainement beaucoup plus que les dires effrayés d’un vieux gâteux. » De son pas court et mesuré, il se détourna sans plus attendre afin de rassembler quelques ouvrages sur les étagères, ainsi qu’un autre qu’il prit dans un tiroir de son pupitre. Je le regardais faire, encore stupéfait et désorienté par sa sortie, tandis qu’il s’agitait en silence, presque avec prudence. Quant il revint finalement vers moi, il me tendit la pile de livres, toujours sans mot dire; il paraissait à vrai dire reparti vers les contrées inaccessibles où il semblait perdu auparavant, et il me souhaita bonne chance en guise de salutation, d’une voix caverneuse. La porte claqua doucement derrière moi lorsqu’il m’eut poussé au dehors de la bibliothèque, tandis que les volutes de fumée rampaient vers moi de façon serpentine, se convulsant dans les airs de manière obscène. Je me sentis alors violemment étouffé, et mon cœur battait la chamade. Le couloir, les tapisseries, les vases grotesques et les lourds encensoirs de bronze, tout se mit à tourbillonner en une tempête polychromatique, se fondant en des associations dégoulinantes et anormales, tandis que le sol paraissait se muer en une série infinie de trappes ouvrant sur un néant terrifiant. L’étourdissement, si je puis encore l’appeler ainsi, ne dura pas, et je revins vite à moi et au décor figé de ce couloir désormais obscur. Mes jambes flageolaient au rythme diabolique d’une horloge proche, tandis que j’étais à nouveau couvert de cette sueur glacée qui semblait sourdre d’une partie inconnue de mon être. Épuisé par cette journée, et réellement apeuré, je m’enfuis enfin, les livres sous le bras, détalant à travers les couloirs et les escaliers grinçant, les cheveux dressés sur la tête et les muscles crispés par une crise nerveuse comme je n’en avais jamais connu. Je ne m’arrêtai pas lorsque je franchis la porte donnant sur le petit parc lugubre et oublié, et ce n’est que lorsque j’atteignis le portail à son extrémité que je me risquai à jeter un coup d’œil en arrière : les bâtiments, dangereusement penchés, semblaient converser entre eux et ne plus faire cas de ma présence. Par intermittence, une de leurs fenêtres respectives s’allumait en tremblotant, paraissant appuyer les dires de l’un ou de l’autre. Ils tendaient leurs toits lisses et inquiétants vers les vastités glacées de l’espace, qui commençait à se couvrir de ses premiers phares, étincelles blanchâtres perdues à jamais dans la mort. Je détournai le regard, ouvris la porte et m’enfuis sans demander mon reste, à travers les rues et les ruelles labyrinthiques d’Arkham, sous l’œil malveillant de quelques gros rats flasques.

J’atteignis mon domicile dans l’obscurité la plus complète, la grande horloge du salon sonnant sentencieusement les coups de huit heure. Je refermai précipitamment la lourde porte d’entrée derrière moi, m’y appuyant pour reprendre haleine. En comparaison de l’épouvantable journée que je venais de passer, la maison m’apparaissait comme singulièrement rassurante, hébergeant désormais en son sein vie et chaleur. Quelques lampes habilement disposées dispensaient leur lumière savamment tamisée, tandis qu’il flottait dans tout le rez-de-chaussée une odeur légère et appétissante, celle d’un plat comme seule Grace savait en concocter. Je demeurais pourtant transi et incapable de faire le moindre mouvement, dominé que je l’étais par une angoisse dévorante et incompréhensible, ainsi qu’une désagréable sensation d’isolement et de perdition. Je serrais très fort sous mes bras joints le paquet de livres que le mystérieux vieux bibliothécaire m’avait confié, m’y agrippant comme l’on s’accroche à un morceau d’épave pour ne pas couler. Je les voyais comme ma sauvegarde, les seuls fragments de lucidité capables de dissiper les brumes menaçantes qui étouffaient mes pensées. Ma femme rompit le charme après un temps indéterminé en apparaissant sur le seuil du salon, provenant apparemment de la cuisine, l’air ravi et la mine parfaitement reposée. Elle m’appela de sa voix douce et toujours mesurée : « James, comme je suis heureux de voir que tu es rentré ! Je commençais à me faire du souci pour le rôti, j’avais peur qu’il ne brûle ou ne refroidisse. Comment était ta journée ? » Elle avait, avec son entrain habituel, commencé à me décharger et à me dévêtir, ne prêtant que peu d’attention aux ouvrages que je tenais et qu’elle déposa sur une petite table basse du salon. Je ne savais guère comment lui répondre, ne tenant en aucun cas à lui faire part de mes soucis et ne voulant pas non plus la mettre mal à l’aise par un silence trop gênant. Je lui répondis donc, avec le plus grand naturel possible : « Bonne… Elle était bonne, oui. Rien de spécial à signaler, je me suis promené à droite, à gauche, rencontré quelques commerçants, et j’ai aussi emprunté certains livres à l’université de cette petite ville afin de me documenter sur… eh bien, tu sais, son histoire, ses résidents et ses anecdotes. » Déboutonnant ma chemise avec un soupir d’aise et de réconfort, je suivis Grace en direction de la cuisine, dans laquelle l’odeur de nourriture était plus forte jusqu’à en être entêtante, noyant sous des flots d’images culinaires et familières les péripéties et les craintes du jour. La table était déjà dressée, et je ne protestai nullement quant à l’usage quelque peu incongru de la prise des repas en cuisine plutôt que dans la salle à manger. La maison paraissait encore bien vide, et faute de domesticité, nous pouvions bien nous accommoder de ce genre d’impairs. Nous mangeâmes dans une ambiance plutôt calme, conversant de choses aussi banales que la nécessité de faire un voyage le plus vite possible afin de récupérer nos affaires et de rendre à la location notre ancien appartement, ou encore de la manière dont j’allais m’arranger avec mon patron pour la poursuite de mon travail. Sur ce point, j’étais assez content de notre arrangement provisoire, discuté lorsque je lui avais fait part de cette opportunité pour ma famille et moi : une fois par semaine, il m’enverrait un paquet de documents à traduire et à commenter, qu’il faudrait que je lui renvoie sous deux semaines maximum, ce qui me donnait un taux de roulement relativement agréable et très pratique. Une fois le dîner fini, j’embrassai ma femme, lui laissai la vaisselle et me rendis au salon où m’attendaient les livres dont j’espérais tant, mais que je redoutais tout autant, sinon plus. Ces étranges palpitations auxquelles j’étais sujet depuis mon arrivée à Arkham et cette première nuit agitée commencèrent à me reprendre, me jetant dans le fauteuil attenant à la petite table basse, une main sur le cœur et l’autre portée au front. Je repris malgré tout rapidement le contrôle de moi-même, et après un instant pour dissiper ma faiblesse je me mis à la tâche, saisissant le premier volume de la pile.

Épais et brun, il sentait le renfermé et était très souvent corné. Il s’intitulait sobrement Histoire évènementielle de la ville d’Arkham, et il indiquait un certain Monseigneur Scott pour auteur. Couvert d’un cuir élégant mais passé, il ne portait mention d’aucune autre indication, et il me rebuta très vite tant il semblait mélanger faits historiques et imprécations religieuses exaspérées. Il semblait avoir été rédigé aux débuts du XVIIIe siècle, et portait la marque du mysticisme baroque de cette période. Le rejetant nonchalamment, je m’emparai du livre suivant, qui affichait en lettrines dorées et tourmentées un long titre tout à fait singulier : Évolutions patronymiques et toponymiques d’Arkham depuis les origines : histoires d’une ville hors du temps, qui apparaissait comme écrit par le Dr. Phelps, il y avait de cela une soixantaine d’années. Plus petit que le précédent, d’un noir carbonisé et d’une facture meilleure, il contenait aussi plus ce que je recherchais alors, et j’y appris maintes choses surprenantes. Par exemple, savez-vous inspecteur qu’à cette époque, cinq ou six noms de famille seulement représentaient plus de quatre-vingt quinze pour cent de la population de la ville ? Et, plus important, savez-vous qu’il ne s’agissait pas d’un simple hasard, ou de la rareté desdits noms, mais de la consanguinité extrême qui règne d’ailleurs toujours dans ces lieux ? J’y lus aussi des allusions bien plus inquiétantes, qui évoquaient le dépeuplement inexplicable de certaines parties de la ville, des disparitions à travers les âges, ainsi que quelques sordides affaires qui se seraient tramées au fin fond des ruelles sombres et aveugles d’Arkham. Bien qu’intéressé, je me hâtai finalement de reposer le livre de mes mains tremblantes. Reprenant mon souffle, que je retenais sans m’en apercevoir, je tentai d’écouter la maison bruire avant de passer à un autre document, mais en vain. Tout paraissait silencieusement tapi, soigneusement dissimulé, et même les sons les plus habituels semblaient s’être calfeutrés le plus loin possible de notre demeure. Je goûtais, un peu gêné, à ce calme plat et que je jugeai comme anormal, avant de me souvenir que j’étais loin de Boston et de son agitation, et qu’il était normal que par un soir sans vent tel que celui-ci, tout restât quiet. Malgré tout, l’ambiance était hypnotique, et le seul bruit que j’entendis finalement en tendant l’oreille était l’eau que Grace utilisait pour sa vaisselle; il était assourdi et incertain, appelant en moi l’image d’un gigantesque cascade d’eaux noires et bouillonnantes, dont le murmure étouffé me parvenait à travers des immensités d’espace vide. Je me sentis à ce moment tellement esseulé que je me saisis du troisième ouvrage, le faisant glisser lentement sur la petite surface afin de susciter quelque mouvement, afin de me persuader que je n’étais pas dans un rêve. Une fois sur mes genoux, je le retournai et découvris son inscription, bizarre et alambiquée, qui l’identifiait comme Le manuel du rêveur maudit, à l’intention des naïfs et des fous, pour lequel l’auteur n’était pas mentionné. La couverture, remplie d’une calligraphie d’aspect oriental très antique m’apparut comme un obstacle à surmonter en elle-même, tant son tracé et sa texture, d’un grain rugueux, semblaient dévorer le reste des lieux, grandissant dangereusement le volume que je tenais toujours dans mes mains. Les lettres s’y entremêlaient, s’y chevauchaient et accouchaient les unes des autres dans un flot tumultueux, mais toutefois gracieux et fascinant. Grisé, guidé par la main d’une force incompréhensible et implacable, je m’arrachai à la contemplation béate et indécise pour enfin l’ouvrir, chassant quelques nuages de poussière ici et là, perdu dans les pages blanches qui se succédaient sans pour autant jamais se ressembler. Elles ne possédaient aucune indication, aucun indice qui m’eût permis de me raccrocher à la réalité et à ses expressions. Je parvins finalement à ce qui me semblait être la première vraie page de ce livre diabolique, qui comportait en son centre une simple phrase, absurde et obscène dans sa nudité et dans les ombres qu’elle faisait danser devant mes yeux : « Et il prit le dernier sentier, celui qui mène à l’oubli et à la consolation, ce chemin tourbillonnant de sable fin que pourtant nul vent n’agite. Déjà engourdi par le froid de la vie, il marcha jusqu’au lugubre petit cabanon en haut de la montagne, toqua trois fois, entra lorsque le battant s’écarta et disparut à jamais. »

Je trouvai cette introduction horrible, et hésitai à poursuivre ma lecture. Mais encore une fois, je me sentis poussé par quelque chose qui m’échappait, et je tournai alors les pages suivantes, le regard à la fois mobile et figé. Des bribes de phrases me parvenaient, transperçant mes faibles barrières mentales hâtivement érigées; toutes plus tordues les unes que les autres, elles dansaient une ronde insupportable autour de moi, se gravaient dans ma tête en un cercle de feu allant toujours en s’élargissant. J’en comprenais certaines, tandis que d’autres m’étaient décidément impénétrables tant leur formulation ou leur sujet était curieux. Un des passages disait très précisément ceci : « Le rêve, pensé puissamment par des hommes instruits, aux connaissances occultes, est le dernier séjour de l’esprit du divin. Les dieux et la cohorte de leurs familiers, de leurs désirs, de leurs haines et de leurs passions résident en ce monde onirique où tout est changement, transformation, et pourtant parfaite éternité. Que l’on pense aux Chullpas, fils des monolithes, à ceux d’Oronius et de Mépharée, l’immortelle et vide cité de porphyre, ou encore aux innommables habitants des mondes extérieurs, tous ont disparu dans le rêve sacralisé qu’ils avaient vénéré si hardiment. En l’espace d’une nuit, leurs races, imbriquées dans les structures démentes qu’ils avaient eu l’audace de forger et d’édifier, furent transférés à tout jamais dans l’entre-monde du rêve, celui de la réalité perverse des choses et de leur naissance. Il est dit que l’homme ne peut que rarement accéder à ce degré de maîtrise, et cela est bien vrai : mais écoute, ô toi qui tiens ce livre damné, écrit par un damné, écoute dans le vent qui vient du Sud les lamentations déchirantes, la nuit venue, des âmes de ceux que les esprits rêveurs ont piégé. J’ai entendu par des hommes déjà morts, retrouvés la bouche pleine de sable fin et le regard fixe, le récit de voyages lointains et incroyables, sur les mers vitrifiées des déserts intérieurs qui les menèrent jusqu’aux confins de l’Arabie, jusqu’aux anciens royaumes des légendaires tribus d’Ad, de Thamoud, de Tasm et de Jadis. Ils donnèrent de splendides descriptions d’Irem, la Cité des Piliers (comme l’appelle le Livre saint), dont on dit qu’elle fut bâtie par Shedad, le dernier des despotes d’Ad, dans les régions d’Hudramant et qui, dirent-ils, après l’anéantissement de ses habitants, resta intacte et invisible aux yeux ordinaires, mais se découvrit parfois à un voyageur béni des dieux. Ils mentionnèrent qu’en fait de bonté, il s’agissait sans doute plus d’une malédiction que quoi que ce soit d’autre : nombre d’entre eux y disparurent, sans un bruit, leur substance même absorbée par les murs de la ville, leur énergie mêlée aux infernaux réservoirs que constituaient les bâtiments, les places et les fontaines. Ils évoquèrent même, en chuchotant bien bas et à demi-mots, la présence à leur départ précipité d’un homme étrange et très grand, assis sur les remparts de la ville, vêtu d’un simple pagne et semblant sourire en les observant, d’un sourire venu d’entre les morts. Ô toi, qui lis ces lignes ! n’oublie jamais les mondes qui se cachent derrière la transparence et la vacuité de celui-ci, et qui telles les eaux sournoises et insondables dorment sous le visage riant des flots et des vagues. C’est un poète malade et un homme aliéné qui te le dit. »

Enfin libéré du magnétisme qui m’habitait, je reposai doucement le livre, noyé par la multitude et par l’incongruité de ce qui y était dit, formulé par d’inquiétants procédés sémites qui me rendait presque palpable la cornue et le corbeau, les sacrifices gargouillant en des lieux oubliés et le polythéisme répugnant de ces temps sombres. Bien d’autres passages me restent en mémoire, mais je ne saurais tous vous les répéter inspecteur. Comme le disait le vieux bibliothécaire, il est des savoirs qui devraient rester enfouis, ne pas être communiqués aux hommes. Je ne serai donc pas pour vous une autre Pandore, en espérant de tout mon cœur que cela suffira à vous protéger. Les tremblements de ma nature sensible s’étaient mués en véritables spasmes, et je dus attendre quelques minutes avant de pouvoir même remuer mes mains correctement. J’étais épuisé, et ne me défendais plus contre mes objections à cet état inhabituel : cette simple journée avait eu raison de mes garde-fous raisonnés, qui s’envolaient comme fétus de paille face aux bourrasques terrifiantes de l’inconnu. Je décidai finalement de regarder le quatrième et dernier livre, recouvert de toile rouge, et intitulé Le dernier sabbat : Arkham et ses sorcières. L’auteur en était cette fois encore un universitaire, le Dr. Philipp, qui tentait de rassembler et d’analyser toutes les sources à propos des affaires de sorcellerie reconnues dans cette sinistre ville. Le résultat formait une infâme mixture de noms et de lieux, saupoudrée de détails et de réflexions qui donnait à ce tableau un désagréable aspect de réel. En parcourant les pages, classées par ordre alphabétique des cas, je fus pris d’une soudaine et troublante illumination, qui me fit feuilleter frénétiquement jusqu’à ce que je tombe sur l’évidence que j’aurais souhaité ne pas trouver. A la lettre « H » figurait en première place les époux Halsey, qui avaient donné leur nom à la rue correspondante. Pris d’une curiosité dévorante, je me mis à lire rapidement le très long article qui leur était consacré, et qui instilla en moi la suprême consécration de ce doute rampant. Ce couple, dont la date d’installation à Arkham n’est pas connue, vécut à cheval entre XVIIe et XVIIIe siècle. Il semble qu’il s’installèrent dans cette ville, qui n’était alors qu’une bourgade déjà délabrée, aux alentours de 1700, où ils y prospérèrent très vite. Cependant, ils demeurèrent plutôt discret et bon nombre de ragots circulaient à leur propos dans Arkham, à propos de lumières allumées tard dans la nuit et d’étranges arômes qui s’échappaient parfois du soupirail de la cave. Leur résidence, située dans ce qui n’était alors qu’une rue périphérique et très peu habitée, prit rapidement mauvaise réputation après leur mort. En effet, on ne leur connaissait pas de famille, et personne n’avait jamais vu qui que ce soit leur rendre visite; pourtant, aux premières heures du jour qui suivit la découverte de leur long sommeil commun, un certain M. Pith se présenta et, documents officiels en main, réclama leurs corps afin de s’occuper de leur inhumation selon des modalités qu’il était le seul à connaître. On lui laissa volontiers l’affaire, mais derrière les lourds volets de la petite ville, on scruta attentivement pendant plusieurs jours la sortie du funèbre convoi en direction du cimetière. Pourtant, rien n’y fit, et les gens de la ville durent se résigner à fureter vaguement et craintivement autour de la maison, dont les rideaux étaient tous tirés. Enfin lassés de ce manège, et aux prises avec d’autres problèmes plus immédiats, ils classèrent ces évènements parmi les plus inexplicables de la région, et on ne parla plus jamais de M. Pith ou du couple Halsey. Du moins jusqu’à ce que, de manière incompréhensible, des étrangers viennent périodiquement s’installer dans la vieille demeure, et qu’inévitablement, après un bref laps de temps, ils disparaissent sans laisser de traces. Et imperturbablement, les rideaux étaient tirés pour clore ce démoniaque carrousel. Ainsi, l’intérêt et la stupeur se transformèrent en terreur froide et absolue, et l’on se contenta de déserter peu à peu les abords immédiats de la détestable maison. Je sentis mon cœur pris dans un cruel étau, qui broyait impitoyablement toutes mes rengaines contre les vaines superstitions; figé dans mon fauteuil, je me sentis écrasé et oppressé, moi qui n’avais jamais été claustrophobe, et j’eus l’impression de défaillir quand un choc violent suivit d’un cri rompirent l’ignoble charme.

La maison qui rêvait, 1ère partie

Posted in Nouvelles on mars 29, 2010 by Cendres

Écoutez  inspecteur, ce que je dis est vrai. Bien que vous me pensiez fou, et qu’il ne fait pas l’ombre d’un doute que ce regard en même temps ironique et agacé indique votre envie de m’envoyer chez ceux que vous imaginez mes confrères, lisez une dernière fois le récit de ce cauchemar qui n’en finit pas, jusqu’à maintenant. Donnez-moi une dernière chance de lever le voile pour vous, de vous persuader de l’incroyable et de la malfaisance, des ombres et des fumées qui rôdent derrière toute chose.

C’est par un doux matin de ce printemps de 1928 que la maison colorée entra dans ma vie, d’une des manières les plus simples et pourtant les plus inexplicables qui soient. Je me trouvais alors dans la petite cuisine de notre appartement, avec ma femme Grace, paix à son âme. Nous discutions à ce moment précis de nos projets pour le futur, de nos envies d’harmonie ainsi que de la nécessité de trouver un nouveau logement lorsque le bébé que nous souhaitions et chérissions déjà arriverait, et nous nous trouvions de plutôt bonne humeur. Si nous avions su à cet instant quel vent le Destin soufflait en notre direction ! C’est alors que la sonnette retentit, brève et stridente. J’arrangeai hâtivement ma chemise dans mon pantalon, jetai un regard confiant en direction de mon aimée et m’avançai vers la porte d’entrée, légèrement excité par ce rendez-vous. En effet, nous attendions l’agent immobilier de la ville d’Ipswich en ce milieu de matinée, afin de finaliser la sélection des maisons susceptibles de nous intéresser. Quelques unes avaient retenue mon attention lors de sa visite précédente, et remplissaient déjà mes nuits de rêves d’une vie familiale heureuse et paisible, dans un cadre idyllique. Vous savez, le genre d’images qui se sont imposées à chacun d’entre nous, un jour ou l’autre. Bref, j’ouvris donc la porte avec un grand sourire, pour bien vite le ravaler face au vide absolu de mon perron. Nulle trace d’un visiteur, nulle marque de passage depuis celui aux aurores de la vieille voisine, Mme Blanchard, une veuve française qui ne m’avait jamais adressé la parole. Grommelant, je jetai un dernier regard en direction de la cage d’escalier, avant de rentrer et de fermer la porte derrière moi. A mon retour dans la cuisine, je répondis laconiquement au regard inquisiteur de Grace, lui laissant penser qu’il s’agissait d’une erreur. En réalité, je savais bien ce qu’il en était, et me renfrognai à cette pensée. C’était ce petit diable rouquin de Marcus O’Sulivan, cette espèce d’Irlandais dégénéré qui vivait dans un des taudis du bout de cette petite rue sale et crasseuse de Boston où nous logions, et qui s’amusait encore une fois à venir provoquer par quelque stupide facétie les résidents facilement plus fortunés que sa famille loqueteuse. J’avais déjà vu son père quelques fois, qui titubait pitoyablement en direction de sa vieille masure, considérablement soûl et le visage, pourtant déjà rose tendre, empourpré à un point tel qu’on le croirait congestionné. La simple évocation de tout ceci suffit à me ramener la nausée que j’éprouvai alors, et qui justifiait à mes yeux les petits mensonges dont j’usais à l’égard de mon épouse. Je ne voulais pas qu’elle soit confrontée à l’atmosphère puante qui régnait dans ce quartier, et dont l’avatar insupportable était le fameux Marcus. Pensant soudain que le fieffé galopin ne se contentait jamais d’une seule passe dans ses méfaits, je retournais fiévreusement me poster en embuscade derrière la porte, guettant le moindre bruit venant du palier. Je n’attendis pas bien longtemps puisqu’un instant après, dans le silence de tombe qui régnait, l’appel de la sonnette se fit entendre. Bien, songeai-je, il n’a pas perdu de temps pour revenir, et recevoir la correction exemplaire qu’il mérite. Instantanément, je tournai la poignée, rejetai brusquement le battant contre le mur et me jetai dans le même temps sur le garnement que j’étais sûr de saisir. Alors, inspecteur, ma poigne rageuse ne rencontra rien d’autre que l’air !

Éberlué, paralysé l’espace d’un battement de cœur par la surprise, je dévalai du plus vite que je le pouvais l’escalier menant au rez-de-chaussée, sautant les marches quatre à quatre, dans un vacarme assez effroyable. Quand je déboulai dans le hall vétuste de notre immeuble, il n’y avait pas plus de monde qu’aux étages; la loge de notre concierge était vide, comme toujours à cette heure-ci, et la porte d’entrée ne battait pas le moins du monde. Bien que parfaitement désorienté, et quelque peu apeuré par ce qui se dégageait de cette situation improbable, je poussai néanmoins jusqu’au bout et m’avançai jusqu’à la rue, pour n’y constater que ce que je savais déjà : aucune trace du farceur, qui aurait de toute façon été bien en peine pour y parvenir aussi rapidement. Décidément frustré et troublé, cela se comprend, je rentrai lentement dans la fraîcheur sèche du hall, afin de m’y arrêter un instant. Nul vent n’agitait les plantes qui en faisaient une véritable jungle d’opérette, pas même celui des lentes pales monotones du ventilateur au plafond; l’atmosphère, étrange, m’emplissait d’un malaise indéfinissable me poussant à écourter ma réflexion pour remonter rapidement vers mon appartement. Ce n’est qu’en arrivant finalement sur le pas de ma porte que je remarquai l’élégant petit papier qui y avait été apposé, simple, sobre et discret, et que je n’avais pas vu lors de ma phase de fureur initiale. Cette note ne devait son aspect cartonné qu’à son air passé lorsque l’on y regardait de plus près, et ne portait nulle mention pouvant en indiquer la provenance. Je l’observai, circonspect et figé, pendant une bonne poignée de minutes, avant de lentement m’en emparer, avec un certain soin et beaucoup d’une prudence irrationnelle. Le papier était lisse et glacé au toucher, d’une unité à peine troublée par l’écriture régulière et élégante qui l’emplissait de haut en bas; il était d’une excellente facture quoique un peu archaïque, et d’un aspect absolument impersonnel. Pourtant, son contact m’attirait étrangement et m’incitait à le caresser rêveusement du bout du doigt, encore incapable de parcourir son contenu propre. Et il ne s’agit pas ici d’une image, inspecteur, destinée à illustrer mes plaisantes affabulations : il s’agissait bel et bien d’une fascination, d’un envoûtement comme on n’en voit que dans les livres, et encore est-ce rarement. Quand je fus délivré de cette étrange latence contemplative, je me forçai à le lire réellement, toujours planté là, au seuil de mon domicile. En substance, la note disait ceci : « Cher M. Warden, nous savons que vous êtes actuellement à la recherche d’une demeure calme, spacieuse et plutôt bon marché dans tout coin pittoresque de la Nouvelle-Angleterre; il se trouve que nous avons la plus parfaite réponse à cette quête, et que nous sommes disposés à vous céder dans les plus brefs délais la jouissance et tous les avantages de cette charmante résidence. La maison évoquée se trouve à Arkham, sise dans la plus belle partie de la vieille ville; dans le style colonial le plus pur de la Nouvelle-Angleterre, elle comporte entre autres plusieurs chambres, une cuisine adaptée aux besoins d’une famille ainsi qu’une enceinte du XVIIIe siècle assurant la tranquillité de son séjour. Si elle devait vous intéresser, et nous sommes sûrs qu’elle vous intéressera, nous vous en communiquerons une photographie vous permettant de la mieux visualiser. En espérant une prompte et avisée décision de votre part, nous vous souhaitons, M. Warden, la plus excellente des journées. »

C’était, comprenez-le, le couronnement mystérieux d’un épisode pour le moins atypique. Malgré la sensation de flottement que j’éprouvais, je me forçai à rentrer afin de ne pas inquiéter plus avant mon épouse, qui m’avait vu partir depuis une bonne dizaine de minutes. La rassurant d’un bref sourire et d’une légère négation de la tête en réponse à ses interrogations muettes, je ne m’attardai pas auprès d’elle et me dirigeai vers le salon, afin de m’y affaler dans un de nos lourds fauteuils. Dire que j’étais perturbé était bien peu en comparaison du maelström de sentiments qui s’agitaient alors en moi, contradictoires et étonnés de leur propre présence. J’étais bien naturellement déboussolé par la tournure des évènements, mais aussi excité par l’inconnu que je sentais affleurer juste à la limite de ma perception, enivré par le mystère qui imprégnait cette brève mais intense aventure et enfin atterré par le style et le contenu de la lettre que je tenais encore dans ma main, avec un mélange de crainte et d’admiration. Comment les auteurs de cette note à mon intention pouvaient-ils être si sûrs d’eux ? Mais aussi, comment diable avaient-ils trouvé le moyen de l’afficher et de disparaître avec une telle célérité ? Et surtout en fait, pourquoi ? Toutes ces questions me donnaient le vertige, moi qui n’était alors habitué à penser qu’à mon couple, à mon travail de traducteur et à mes quelques marottes, dont la spiritualité chrétienne. Un doux parfum de cire et de produits ménagers flottait dans la pièce, me donnant pour cette fois encore un début de nausée, comme souvent lorsque ma nature sensible était déjà bouleversée. Je ne m’en rendis compte qu’après, lorsque ma femme vint me rejoindre, mais je tournais et retournais la lettre en tous sens, la triturant nerveusement et pourtant avec une délicatesse certaine; j’en caressais le contour et en détestais le tranchant, réfléchissant comme si ma vie était en jeu à cet instant précis; par moments, de grosses gouttes de sueur coulaient le long de mon front, fruit de la concentration absolue avec laquelle je traitais cette situation absurde. Lorsque Grace arriva, j’avais pourtant déjà pris ma décision. Elle me demanda nonchalamment si j’allais bien, si je n’étais pas trop stressé par l’arrivée imminente de notre agent immobilier, mais je coupai court à ses louvoiements. « Il ne viendra pas aujourd’hui, lui dis-je empreint d’une certitude qui m’étonna. D’ailleurs, je ne pense pas que nous ayons encore besoin de lui à l’avenir. » Me jaugeant calmement, elle posa une main sur son ventre déjà légèrement renflé, et me dit :
« – Tu aurais donc renoncé à notre projet de déménagement ? Tu n’en as plus envie, c’est cela ?

– Absolument pas, et même bien au contraire. J’ai le sentiment d’avoir trouvé quelque chose qui nous conviendrait exactement, et je n’ai plus besoin que de régler quelques détails avant que nous puissions aller visiter. » Je me sentais étrangement pâteux, comme lorsque l’on a un peu trop bu ou bien que l’on a eu une nuit agitée. J’avais le sentiment que je ne contrôlais pas totalement ce que je disais, sans m’en émouvoir outre-mesure; je n’aurais de toute façon pas pu mentir aussi effrontément à ma femme si une partie de moi-même n’avait pas été anesthésiée par quelque biais inconnu. Grace, surprise, ne disait rien, se contentant de me fixer en attendant une suite hypothétique. Mais je n’avais pas grand chose de plus à lui communiquer, et je me rendais bien compte du peu d’informations sur lequel je me basais pour faire ce choix. C’était absurde, et en même temps cela me semblait cependant d’une logique implacable.

Le déjeuner se déroula dans cette même ambiance silencieuse et songeuse qui avait caractérisé la fin de matinée, et je voyais bien les nombreuses questions se refléter dans les yeux de ma femme. Mais en bonne épouse, elle ne gâcha en rien le repas par ses doutes, et je pus à peu près savourer l’ineffable tendresse de sa cuisine, à ceci près que mon esprit aussi était obscurci par des nuées d’incertitudes. Lorsqu’enfin elle m’adressa la parole en milieu d’après-midi, ce fut pour me demander, sibylline : « Es-tu vraiment sûr de toi ? » Sourd à mes propres paroles, les yeux brouillés, immédiatement détendu tel un ressort, je lui répondis de manière catégorique : « Oui. C’est exactement ce que nous cherchons. » A peine avais-je fini de prononcer ces mots que je vibrais de tout mon être, en phase avec la rythmique monocorde de notre sonnette. Grace, sans comprendre ce que cela impliquait, se leva et se dirigea vers la porte afin de l’ouvrir à ce qu’elle pensait être un visiteur. Comme brûlé au fer rouge, je la devançai prestement et m’interposai entre elle et la poignée, la rassurant sur le fait que c’était certainement un démarcheur, ou quelque autre importun et que je pouvais très bien m’en occuper. Je pense, inspecteur, que c’est à cet instant qu’elle commença à s’inquiéter quelque peu pour moi et pour ma santé mentale. Lui intimant de s’en retourner dans l’étroit vestibule d’entrée, je fis volte-face, me calmai un instant et ouvris pour la troisième fois de la journée le battant, pour me retrouver une fois de plus en compagnie d’une absence et d’un vide perceptibles. Bien qu’elle ait déclaré le contraire dans son journal intime, Grace avait vu aussi bien que moi qu’il n’y avait strictement personne derrière la porte puisqu’elle se trouvait seulement à quelques mètres, tentant de regarder par dessus mes épaules et n’apercevant finalement rien. Pourtant, une enveloppe était déposée sur le paillasson, neutre et hypnotique, portant la simple mention « A l’attention de M. Warden ». Je ne doutais pas de ce qu’elle contenait, et c’est complètement fébrile que je la ramassais, avant de rentrer et d’appeler ma femme pour l’ouvrir. Assis dans la cuisine, à côté de la fenêtre qui dispensait la lumière pâle des premières journées d’avril, je décachetai lentement et cérémonieusement ladite enveloppe, avant d’en extirper une photographie de très bonne qualité, à ce que je pouvais en juger. L’intérêt éveillé et l’œil accroché, Grace se pencha plus près de l’image, et lorsque je la retournai afin de la contempler à l’endroit, elle ne manqua pas de lâcher une furtive exclamation de stupeur et d’agrément. En découvrant la maison de la photographie, je convins que c’était là une réaction appropriée face à la splendeur de l’ensemble : ce dernier tenait plus du manoir colonial que de la simple maison de ville, et étendait sa grandeur sombre sur deux étages plutôt vastes, surmontés de toits en pente typiques du dense maillage d’habitations d’Arkham. La porte d’entrée, festonnée de gravures élégantes et peu voyantes, était parfaitement charmante et semblait centrée sur celle qui lui répondait, engoncée dans la pierre du mur d’enceinte. Quelques petites fenêtres sous les combles laissaient présager d’un grenier romantique et secret, tandis que la bouche de cheminée massive trônant en arrière-plan faisait vibrer les contraltos apaisants d’une soirée chaleureuse au coin du feu. Quelque peu isolée des autres masures, la maison se trouvait sur une très légère éminence, la faisant émerger de la cohue urbaine resserrée des centre-villes anciens. Aucun panneau, aucune enseigne n’en indiquait le nom, ce que je trouvai étrange à l’époque pour une résidence de ce standing. En général très peu pourvue en fenêtres, la maison semblait pourtant nous regarder, véritablement nous fixer par delà la frontière du papier à photographie. Oh, vous pouvez bien sourire doucement, inspecteur. Vos sarcasmes ne me troublent pas, puisque c’est ainsi que j’aurais traité tout énergumène qui serait venu m’embêter avec une telle histoire à dormir debout, parsemée de détails aussi farfelus. Mais il est des détails dont l’importance est capitale, et des forces que nous ne pouvons pas mettre à l’épreuve de la raison mais dont nous ne pouvons pas non plus douter, lorsque toutes les explications plausibles sont repoussées.

Admiratifs donc, le souffle coupé, nous échangions avec Grace des regards de nouveau pleins de complicité face à cette aubaine inespérée. Toutes mes appréhensions envolées, je ne songeais plus qu’à la chance qui avait mis cette maison sur mon chemin, et qui ridiculisait superbement toutes les autres que nous avions pu apercevoir en catalogues, ou visiter aux alentours de Boston. Certes, il faudrait aller un peu plus loin, mais qu’importait alors la distance ! Je regardais Grace, les yeux pétillants, qui semblait prête à bondir, virevolter et faire immédiatement les cartons, ensorcelée par l’attrait indéniablement surnaturel de la majestueuse demeure. Pour ma part, la simple idée de sortir véritablement de ce cloaque consanguin et bourdonnant, peuplé d’Irlandais et d’Italiens débiles, qu’était cette ville et de me retrouver dans une des plus anciennes colonies anglo-saxonnes des Amériques m’emplissait déjà d’une joie difficile à contenir. Nous n’eûmes pas besoin d’échanger quelque parole que ce soit pour exprimer notre commune approbation, tant notre accord était électrique et presque matérialisé, remplissant la pièce d’une tension positive incroyable. Je ne me posais pas la question de savoir où, quand et comment je pourrais bien trouver les propriétaires actuels de cette demeure de rêve; tout semblait simple et limpide, allant de soi-même. Ce qui n’était pas trop éloigné des faits, puisqu’en retournant la photographie, je découvris écrit de la même plume que précédemment l’adresse, la date et l’heure auxquelles se rendre afin de la visiter. 13, Halsey Street à Arkham. Il fallait y être présent le lundi suivant, c’était à dire cinq jours plus tard. La clé serait apparemment pendue au crochet; je pensai alors que dans une ville aussi pure et à dominance WASP, la vie était beaucoup plus sécurisante et courtoise que par ici, à Boston. J’enfouis donc les derniers fragments de mon malaise sous le contentement de ces découvertes successives, et ne m’effarouchai plus de ne pas savoir précisément à qui j’allais avoir affaire. Nous passâmes une très agréable fin d’après-midi, ainsi que toute la soirée à spéculer sur ce qu’allait être notre vie là-bas, et sur les perspectives qui nous y seraient ouvertes, avant de tomber dans les bras de Morphée le sourire aux lèvres.

Comme vous pouvez le deviner, les jours nous séparant de notre excursion passèrent extrêmement vite, et nous nous retrouvâmes au lundi matin, frais et pimpants comme pour un mariage à embarquer dans la voiture que mon beau-père nous avait prêté pour l’occasion. Très vite sortis de Boston, habitant déjà à la périphérie de la ville, nous fîmes route vers la côte et vers son chapelet de petites villes ancestrales, profitant de la beauté du temps et du paysage. Ma femme et moi avons toujours été de grands amoureux de la nature; c’était donc une bien belle promenade que rien ne pouvait gâcher, pas même la longueur du voyage. Nous nous arrêtâmes pour manger aux environs de midi, et lorsque je repris le volant je sentis encore, plus clairement et plus profondément à quel point je n’étais pas maître de ce que je faisais. Je me dis que c’était sous l’effet de l’exaltation et de l’euphorie, mais quelque chose me chuchotait qu’il y avait là plus que cela. Mettant en sourdine ces doutes de mauvais aloi, je me concentrai à nouveau sur la route et ne tardai pas à apercevoir les premiers panneaux indiquant successivement les localités à venir : Salem, Providence, Newburyport, Arkham, Innsmouth et bien d’autres, se côtoyant au gré des signalisations, balançant mollement leurs distances dans les quelques courants d’airs qui animaient mollement cette journée pour l’instant plutôt calme, mais plus pour longtemps. Car à notre plus grand dam, le temps commença alors à se couvrir d’une drôle de façon, de lents et menaçant nuages roulant de manière désarticulée vers nous des quatre coins de l’horizon, avec une vitesse surprenante. Bien qu’il ne plût pas encore, cela suffit à rendre l’ambiance immédiatement plus morose.

Nous arrivâmes dans les faubourgs d’Arkham aux alentours de trois heures de l’après-midi, ce que je jugeais très convenable. Tandis que notre automobile flambant neuve gravissait l’une des premières pentes de cette ville aux plans absurdes et fantaisistes, régulièrement impraticables, nous nous exclamions de concert quant à la tranquillité des rues, leur propreté et leur aspect tout à fait authentique, et nous nous pâmions par la suite à chaque fois que nous arrivions au sommet d’une de ces pentes, dominant légèrement la forêt immobile de toits et de clochers souvent délabrés qui s’étendait placidement sous nos yeux, lançant de manière faible ses flèches vers les cieux, qui semblaient plus bas et plus proches de nous. Le temps s’était alors définitivement couvert, et quelques grosses gouttes de pluie venaient déjà s’écraser sur le pare-brise. Finalement lassés de nos impressions, et occupés à chercher vainement où pouvait donc se trouver Halsey Street dans ce fatras encombré de rues dont à peine la moitié portait un nom, nous fîmes silence et, la radio ayant décidé de nous lâcher, il n’y eut plus que le tambourinement croissant de la pluie et le va et vient irritant des essuie-glaces pour meubler ce vide sonore. L’averse avait vidé les rues de ses rares passants, et nous eûmes beaucoup de mal à découvrir quelqu’un qui pouvait nous renseigner. C’est finalement près d’une petite université dont je ne pus distinguer le nom que nous pûmes enfin héler un homme se hâtant pour probablement rentrer chez lui. Je m’arrêtai à sa hauteur, baissai la vitre et lui demandai si il savait où je pourrais tomber sur la rue que je cherchais. L’homme encapuchonné n’ayant selon toute apparence pas bien entendu, je sortis la photographie de ma poche et la lui montrai, en répétant : « Halsey Street, mon brave, pouvez-vous m’indiquer comment m’y rendre ? » Cependant, à mon grand désarroi et à l’effroi de mon épouse, le bougre recula comme s’il eût été giflé, se signa en jetant un regard vers le ciel et s’enfuit en courant, bien vite sorti de notre champ de vision par une ruelle latérale. Je soupirai lentement, commençant à être quelque peu fatigué et agacé par la situation. Grace ne disait rien, mais je sentais parfaitement qu’elle n’était un peu stressée et qu’il valait mieux que je trouvasse la maison aussi rapidement que possible si je voulais éviter une dispute, ou en tout cas une bouderie. C’est donc avec soulagement que je vis immédiatement après cela une autre personne qui cheminait, en vélo cette fois, venant à ma rencontre. L’interpellant aussi aimablement que possible, je lui demandai en espaçant bien mes mots comment me rendre au commencement de la rue que je cherchais, sans rien mentionner d’autre ni brandir quelque photographie que ce soit. Malgré ces précautions oratoires, l’homme me jeta de sous son chapeau un regard étrange, calculateur et méfiant, avant de répondre lentement : « Vous y êtes presque : continuez tout droit, puis prenez à gauche après la petite chapelle. Vous allez descendre une petite rue, et au premier croisement vous prenez à droite. Vous continuez encore sur cinq cents mètres, et lorsque les maisons commencent à se raréfier, vous saurez que vous êtes arrivés. » Me tournant vers Grace, je lui fis un sourire et un petit clin d’œil, guilleret que j’étais et certain de toucher au but; puis, je revins à mon interlocuteur afin de le remercier pour son aide, mais il était déjà parti. Me tordant le cou à l’extérieur de la voiture afin de le retrouver, je l’aperçus disparaître dans une venelle, déjà loin. Me rasseyant correctement en grommelant, je me dis que les gens ici semblaient être de sacrés marginaux, et je me demandai si c’était l’atmosphère de cette ville qui les rendait ainsi; si seulement j’avais été au fait de mon inconscience à ce moment-là…

Après avoir suivi les indications du curieux bonhomme, je débouchai effectivement sur une rue plus large que les précédentes, où les maisons successives alternaient souvent avec de vieux arbres stoïques et guindés, qui donnaient à l’ensemble un air mélancolique. Nous la remontâmes donc assez rapidement, pressés d’être enfin arrivés à destination. Et là, je la vis réellement pour la première fois : impassible, muette et sombre, elle me donnait furieusement l’impression d’attendre. Qui ou quoi, cela ne m’intéressait pas, cette simple idée suffisant à me donner des frissons. Mais sous la canonnade de la pluie, elle arrivait encore à sembler accueillante, son porche avenant se découpant nettement malgré l’obscurité désormais quasi-totale. Me garant aussi près que possible de l’entrée, je coupai le moteur, enfilai mon pardessus et mon chapeau tandis que Grace déployait le parapluie que nous avions eu la fortune de prévoir; fin prêts, nous courûmes jusqu’à l’abri salvateur du portail, qui était manifestement ouvert. Dans une seconde étape, nous arrivâmes enfin à la porte de la demeure, à côté de laquelle était effectivement suspendue un trousseau de clés, en contenant seulement deux. Je tombai au premier essai sur la bonne, et ce fut avec un soulagement compréhensible que nous entrâmes dans la maison. La première chose qui me frappa à ce moment, c’était l’absence totale des bruits que l’on est en droit de prévoir dans une bâtisse aussi vieille que celle-ci : grincements du plancher, hurlements du vent qui joue dans les solives, claquement sur le mur de la branche d’un arbre ayant poussé trop près de celui-ci, et mille autres petits trépignements, courses de souris ou décompte d’horloge, s’entrecroisant avec virtuosité dans un orchestre fantastique de souvenirs et d’immédiateté, rendant leur apparence habitable aux plus anciens édifices. Sans cela, ils devraient paraître comme morts, si je puis dire. Ici, c’était encore différent, puisque malgré ce silence presque surnaturel, nous pouvions sentir la vie dont cette maison avait toujours regorgé, et qui l’imprégnait dans la moindre de ses dépendances, de la cave au grenier, qui nous trouvait et nous enveloppait alors comme les nouveaux enfants d’une longue existence de maternage. Encore une fois, il ne s’agit pas d’impressions métaphysiques ou de sentiments fugaces, insaisissables, mais bien d’une sensation charnelle, presque palpable que nous avons tous deux éprouvé, mon épouse et moi. Un peu impressionnés, et interpellés par le calme absolu et attentif qui régnait autour de nous, nous restâmes sur place, indécis, avant d’appeler d’une voix hésitante : « Holà ! Y’a-t-il quelqu’un ? Nous sommes M. et Mme. Warden, nous venons pour visiter la maison. Est-ce que vous m’entendez ? » Silence. Pas un mouvement dans la maison, et toujours cette immobilité rendue presque solide par son insistance. Décidément intrigués, nous commençâmes prudemment à déambuler à travers les pièces, en nous justifiant de ce qui nous semblait une intrusion par le fait que si quelqu’un se trouvait là et ne nous avait pas entendu, il devait être endormi, ou bien trop âgé, voire absorbé dans une tâche demandant une grande concentration. C’était fort possible, du moins voulais-je m’en persuader, et je n’évoquais pas dans l’intimité de mes spéculations une autre option plausible, à savoir la mort.

Nous traversâmes ainsi le salon, attenant au hall d’entrée, puis ce qui ressemblait fort à une chambre de bonne, avant de déboucher sur la cuisine, presque aussi vaste que notre appartement actuel. Celle-ci donnait finalement sur une salle à manger dont les dimensions ne pâlissaient pas en comparaison, dans laquelle se trouvait une porte menant à un petit cabinet de travail, encastré dans l’un des renflements visibles de l’extérieur. Enfin, on revenait au hall central, qui permettait l’accès à l’étage supérieur par un bel escalier en bois sombre tapissé d’épaisses fresques florales ébénacées. Avec l’obscurité ambiante, et comme aucune lampe n’était allumée, nous n’avions pas pu voir grand chose des pièces dans lesquels nous déambulions, souvent plutôt maladroitement; cependant, nous avions pu nous rendre compte au nombre de fois où nous avions buté ainsi que grâce aux ombres intermittentes qu’elles étaient assez richement meublées, d’un mobilier généralement massif et agréable au toucher. Notre curiosité aiguisée, notre appétit affûté, nous ne réfléchîmes pas longtemps avant de décider de nous faufiler par les larges marches vers le niveau supérieur. L’averse ayant dégénéré en véritable orage, à la violence et aux propriétés qui me surprenaient, nous étions alors guidés par la blancheur éclatante des éclairs successifs qui plaquaient nos ombres sournoises contre la tapisserie murale, tandis que nous nous faufilions tels des souris vers le palier du dessus. Arrivés au sommet des marches, nous nous retournâmes afin de contempler les grandes fenêtres en ogive qui ornaient la cage d’escalier, et qui étaient invisibles sur la photographie aussi bien que lors de notre arrivée, puisqu’elles se trouvaient de fait à l’arrière de la maison. De largeur plutôt modeste, elles étaient en revanche exagérément hautes et faisaient penser à des vitraux de cathédrale, impression renforcée par la découverte, à la faveur d’un éclair, des motifs colorés qui semblaient les animer d’une vie propre. Bien que je ne pouvais pas les déchiffrer à ce moment précis, je les trouvais délicieusement baroques et propres à m’inspirer, si d’aventure je me mettais à la poésie ou à la littérature. Finalement revenus à nos préoccupations plus immédiates, nous appelâmes une nouvelle fois, sans plus de succès. J’avais conscience du temps qui passait, et je poussai donc Grace à accélérer le pas en direction du premier couloir à notre gauche. Nous nous coulâmes dans son enfilade assez étroite, longeant quantité de ce que je supposais être des chambres, silencieuses et fermées à double-tour. Devant celle qui faisait l’angle, je décidai d’essayer la deuxième clef du trousseau, à titre d’information; après tout, nous étions bien venu pour la visiter, cette maison fantôme ! Croyez-moi ou pas inspecteur, mais à l’époque je riais en moi-même de cette simple appellation, refusant encore d’accepter dans son entier le panorama de l’étrange qui s’imposait à moi, et je préférais me concentrer sur la serrure qui venait de souplement coulisser. Ayant constaté que la clé fonctionnait, nous ne jetâmes qu’un rapide coup d’oeil à la chambre, dont la minuscule lucarne ne permettait de toute façon pas de distinguer grand chose. Continuant notre inspection, ponctuée d’appels de moins en moins fréquents, de plus en plus chuchotés, écrasés par la chape de silence qui semblait émaner des murs eux-mêmes, nous nous prîmes à étudier de plus près tout ce que nous voyions. La décoration demeurait sobre mais raffinée, à l’instar de ce que nous avions pu constater dans toute la demeure, bien que quelques étranges et incongrus objets trônassent en de singuliers endroits. Entre autres, une conque marine à l’aspect déformé, ainsi qu’une coupe d’un style qui m’était inconnu; mais elles logeaient dans des alcôves tellement discrètes que nous supposâmes alors qu’il s’agissait de quelques excentricités de voyage dont les propriétaires auraient été friands. C’est alors, tandis que nos yeux se promenaient avec une délectation modérée par la circonspection, que je la vis.

Je la vis dans une secousse tellurique de mon esprit, dans un spasme venu d’ailleurs, inexpliqué et inexplicable, qui me transporta aux nues et dans l’immatérialité d’un autre plan. Je vis la maison dans son intégralité, je la vis du dehors aussi bien que du dedans, je la contemplai depuis le dessus et depuis les profondeurs sur lesquelles elle était bâtie. Je vis son squelette, étrangement dressé vers les hauteurs comme pour y répondre à un appel inconnu. Je vis ses caves qui dormaient, son grenier qui soupirait d’aise dans une langueur poussiéreuse, et je vis le piano. Quelques notes résonnaient dans mon esprit, tandis que j’étais attiré à elle toujours plus, tandis que chacun de ses pores m’aspirait. Une brume luminescente et fantomatique l’entourait, vibrant de pulsations convergentes qui la coloraient brièvement. Pardon ? Si j’avais bu inspecteur ? Ah, gardez-donc vos habituelles remarques sarcastiques, et ne vous mêlez plus de m’interrompre ! Vous plaisantez avec quelque chose dont vous ignorez toute la nature et l’étendue, et que je n’ai plus beaucoup de temps pour vous décrire. Ainsi dématérialisé donc, j’eus l’impression que des siècles s’écoulaient, sans que rien ne se modifiât plus; puis, sans transition, je fus brutalement ramené dans le corridor légèrement embaumé où j’avais été saisis, pour me rendre compte que tout cela n’avait duré que l’espace d’un éclair, à peine une demi-seconde durant laquelle mon pied n’avait toujours pas touché terre. Éberlué, je regardai tout autour de moi afin de m’assurer que Grace était encore bien là, que rien n’avait changé durant ce dédoublement hallucinatoire. Me frottant les yeux, me massant les tempes, j’expliquai cela par la fatigue qui me prenait; regardant ma montre, je m’aperçus qu’il était déjà près de six heures. Habité par cet épisode incompréhensible, et pressé d’enfin parvenir à un dénouement dans cette affaire qui nous avait déjà pris toute la journée, je saisis la main de ma femme et accélérai le pas en direction de l’ultime bastion habitable où nous n’étions pas encore allés, dont l’entrée était gardée par une double-porte neutre. Nous découvrîmes ainsi une vaste mais étouffante bibliothèque, dont les rayonnages atteignaient le plafond, et qui occupait une grande partie du côté en façade; les fenêtres, au nombre de deux, étaient closes, mais je pus tout de même distinguer leur petite taille, ce qui m’étonna au vu de la fonction de la pièce. Puis nous passâmes à une salle de bain plutôt conventionnelle, dans laquelle trônait pourtant une grande baignoire luxueuse, à pieds façonnés en gueule d’un affreux animal marin que je ne saurais identifier, que j’aurais plutôt pensé trouver dans un palais ou quelque autre grand hôtel. Enfin, nous parvînmes à la chambre des propriétaires, du moins était-ce l’impression que nous en avions : là encore, il n’y avait personne. Nous étions donc dans cette maison définitivement vide, sans que nous ayons la moindre idée de qui y habitait, quand le rencontrer et de pourquoi il n’était pas là. Ne nous avait-il pas donné rendez-vous pour ce lundi-ci ? Nous en profitâmes donc pour inspecter sans vergogne la chambre, qui semblait plutôt douillette, bien qu’un peu austère par certains côtés. Ce qui me frappa immédiatement, c’était le magistral lit à baldaquins qui trônait au centre de la pièce, et lui conférait une royale tristesse. Les couleurs en étaient ternies bien qu’encore reconnaissables, les coussins épais et accueillants, les draps propres et de bonne qualité; malgré tout cela, il s’en dégageait une odeur inconfortable, une odeur de songe et de sueur onirique. J’avais par moments l’impression de discerner des auréoles irisées indiquant transpiration ou larmes. Y regardant de plus près, je ne découvrais évidemment rien, mais cela ne m’empêchait pas de répéter le manège à l’identique chaque fois que l’occasion se présentait. Tandis que Grace vaquait paisiblement au recensement des coiffeuses, armoires et autres rideaux, je restais absorbé par le contemplation de ce lit dont mon attention ne pouvait plus se détacher. Dans cette chambre, il me paraissait comme échoué, ou plutôt comme surnageant; coulé dans le courant silencieux d’une tension indéfinissable, il m’appelait à ses côtés afin de chevaucher les brumes et de voyager au loin. J’étais irrésistiblement attiré par lui, et sans savoir comment, je me retrouvai à m’asseoir doucement à son bord, me préparant à embarquer mes jambes. Pourtant, dans un dernier réflexe que je pus contrôler, je regardai Grace qui ne faisait plus aucun bruit, et c’est en suivant son regard que je compris; il était posé sur…

Le petit homme se trouvait dans l’encadrement de la porte, ses yeux fuyant nous observant de derrière ses lunettes démesurées. Rabougri, tassé et d’apparence frêle, il donnait cependant une impression d’intelligence contenue et d’élévation d’esprit, que semblaient confirmer son haut front et son long nez. Immobile, il remua les lèvres dès qu’il vit qu’il avait mon attention après le sursaut initial : « Excusez-moi de vous surprendre ainsi, j’espère ne pas vous avoir fait peur, car ce n’était pas mon intention. Je suis M. Stone, je m’occupe de gérer, eh bien, les affaires de la famille à qui appartient cette maison. Je suis vraiment confus de mon retard, mais comme vous l’avez-vu, le temps dehors n’est pas formidable et j’ai dû venir à pied jusqu’ici. Bien, ceci posé, si vous vouliez bien me faire l’honneur de me suivre, madame, monsieur. » Sans attendre de réelle approbation de notre part, il nous tourna le dos et partit en trottinant vers une pièce latérale que nous n’avions pas remarqué, dans laquelle il entra. Interloqués, nous nous regardâmes avant qu’un mouvement de ma tête n’indique à Grace de m’emboîter le pas. Ainsi, nous continuions dans l’étrange et le bizarre les plus consommés : nous venions d’être pris en charge par une espèce de nain à l’air malingre mais malicieux, que j’avais du mal à prendre pour ce qu’il prétendait être : un chargé d’affaire, un homme de main, un bras droit. Il s’accordait exactement avec la demeure dans laquelle nous évoluions, comme si il en était un personnage à part entière, voire un fragment détaché de l’édifice et modelé pour s’y produire en une espèce de représentation maligne dont personne ne pouvait deviner la portée et l’étendue de la nuisance. Peut-être étais-je trop lyrique, mais son apparence chafouine, ses paroles et ses mimiques me l’avaient déraisonnablement posé en gnome grimaçant, chargé de nous égarer complètement dans le dédale insoupçonné de quelque monde secret. En pleines divagations, j’atteignis la pièce sur la gauche du couloir et y pénétrai vivement. Il s’agissait d’une espèce de petite chapelle intérieure, qui ne me marqua pas plus que cela; relativement dénudée, elle n’offrait aucun confort apparent, et je n’avais pas le temps de m’attarder sur les rares décorations ou sur l’autel en réduction. Je promenai donc un œil assez indifférent sur tout cela, voyageant en moi-même dans un brouillard épais et cotonneux qui sourdait de mon cœur. Arrivé à la porte de sortie, je remarquai qu’elle donnait exactement sur le sommet de l’escalier où nous nous étions tenus tout à l’heure pour contempler la pluie tomber et les éléments se déchaîner; renfoncée dans un coin d’ombre comme elle l’était, il n’était nullement surprenant que nous ne l’ayons pas remarqué à ce moment-là. Le petit et énigmatique bonhomme, qui était aussi bossu comme je le vis alors, était déjà à la moitié de la descente, et nous pressa par un signe de la main de ne pas perdre le rythme. Il ne risquait rien de ce côté là : j’étais alors fasciné par sa bosse dorsale, difforme et répugnante, et ma femme Grace me suivait docilement ainsi qu’il se doit. Vous savez inspecteur, j’ai toujours eu du mal à supporter la vue de personnes disgracieuses, et particulièrement des handicapés en tout genre; c’était une véritable torture dont je ne pouvais détourner le regard, que de voir cette risible protubérance rouler à chaque mouvement, presque aussi grosse que la cage thoracique étriquée du nabot qu’elle surplombait. Je me pris à penser à sa possible origine juive; en me remémorant la scène de la chambre quelques minutes avant, je vis le crochu de son nez, l’aspect parcheminé de ses mains ainsi que ses frusques démodées et d’un affreux mauvais goût, qui évoquaient des odeurs d’encens, de cabales et de processions indicibles.

Absorbé par ces suppositions, je marchai comme dans un rêve gluant jusqu’à la cuisine, qui était maintenant allumée et où nous attendait notre interlocuteur difforme. J’émergeai alors de ma torpeur, pour constater à la froideur clinique des lampes qu’il me paraissait un petit peu – oh, vraiment infiniment peu – plus grand que précédemment, et son aspect voûté semblait s’être adouci. Il restait pour autant un hideux petit être, sur lequel toute mon attention demeurait portée. Ayant sans façons déplié sa serviette en mauvais cuir, il étala sur la table une seule feuille, à l’aspect défraîchi, sortit un stylo de la poche de sa veste nonchalamment étendue sur un plan de travail, et nous tint le discours suivant : « Mes employeurs ont vu en vous les acheteurs idéaux pour cette résidence, et ont donc décidé de prendre contact avec vous. Ils étaient fort désireux, tout en étant pertinemment sûrs et certains qu’il allait en être ainsi, que vous soyez intéressés par cette offre, et vous ont donc invité à rendre visite à la maison. » Mise à part sa façon très personnelle et elliptique de nous tenir ce discours, je brûlais d’enfin savoir qui étaient ces fameux maîtres que nous n’avions pas vu, et comment ils faisaient pour être aussi arrogants par rapport à notre libre-arbitre. J’essayai donc d’interrompre M. Stone, puisque c’est ainsi qu’il s’appelait, mais avant même que j’ai déserré mes dents il m’assomma d’un regard sans réplique, accompagné d’un geste méprisant de la main qui me coupa le souffle. Grace sembla ne rien avoir remarqué; en vérité, elle n’avait pas l’air de remarquer quoi que ce soit, semblable à quelqu’un écoutant une douce et lointaine mélodie qu’il est le seul à entendre. Le nain continua donc : « Bien qu’actuellement… indisponibles, pour des raisons de santé, les propriétaires souhaitent vraiment voir des gens comme vous, avec un potentiel tel que le votre s’installer ici, monsieur et madame Warden. Comme vous avez pu le voir, la maison est en bon état, ordonnée et spacieuse, et convient parfaitement à vos désirs et surtout, à vos rêves. » A ce dernier mot, il eut un léger rictus sardonique. « Enfin, sûrs de votre décision finale, nous avons pris la liberté de préparer par avance un contrat standard afin de vous permettre d’acquérir tous les droits sur cette propriété. Il s’agit du document que voici, et comme nous voilà à l’issue de cette visite certainement convaincante, je vous demanderai de bien vouloir me le signer immédiatement. » J’étais une fois de plus dépassé par ce qui était en train de se passer, et bien que totalement offensé par la manière dont le petit vieux diabolique me parlait, je voyais déjà le cœur de mon insurrection et de mes protestations, mort-nées, fondre comme neige au soleil, devant la chaleur huileuse et inquiétante d’une bienveillance dont je ne savais rien. J’arrivai pourtant à éructer faiblement : « Nous n’avons même pas discuté du prix; vous savez, nous ne sommes pas des gens bien riches, et nous aimerions… » Il balaya mes balbutiements engourdis par un nouveau geste sec et impérieux de la main, tandis qu’il me répondait d’une voix suave qu’il ne fallait pas s’en faire, que la somme était modique à en devenir dérisoire, d’autant plus que lui, M. Stone, négociait toujours des arrangements avec les banques, et tout cela simplement parce que ses employeurs pensaient que nous étions les plus dignes d’habiter ici. Je nageais en plein délire, et c’est tout naturellement que je m’avançai pour me saisir de la plume qui m’était tendu, afin d’apposer ma signature au bas du contrat. Malgré mon état, j’en parcourus brièvement les clauses principales, pour m’apercevoir qu’il était rédigé d’une belle écriture soignée et maniérée, la même que celle qui m’avait adressé la drôle d’invitation quelques jours plus tôt, bien qu’apparaissant ici dans une graphie plus noble et audacieuse, et sous une forme nettement plus contournée jusqu’à en devenir incompréhensible par endroits. Malgré cela, je persistai et m’appuyai sur la table, pris une bonne inspiration et signai avec une fermeté et une sûreté dans le poignet qui m’étonna sur l’instant.

Dès que j’eus levé le stylo du mince feuillet, la gargouille miniature qui n’attendait que cela s’en saisit avec un empressement non dissimulé, et le boucla soigneusement dans son porte-documents. Il paraissait extrêmement pressé, et se rhabilla avec une célérité qui démentait son air débile et lymphatique. Il ne portait pas de chapeau, et n’avait pas non plus de parapluie, ce qui me parut incohérent de la part d’un homme qui avait dû venir jusqu’ici par le pire des temps et qui devait maintenant s’en retourner sous le déluge sans fin. Il avait l’air de prendre cela avec philosophie car malgré son faciès concentré et alerte, il se fendait d’un large sourire qu’il ne parvenait apparemment pas à réprimer, si j’en croyais le frémissement involontaire au coin de ses lèvres. Se dirigeant d’un pas vif vers la porte d’entrée, il nous distança en si peu de temps que je dus me faire violence pour reprendre mes esprits, de peur de le voir s’évanouir sitôt le seuil franchis. Grace suivit, avec un long décalage, toujours dans son état affecté de transe contemplative. Arrivé à la hauteur de M. Stone, celui se retourna après avoir ouvert la porte et me toisa de toute sa petitesse : « Eh bien, M. Warden, toutes mes félicitations. Vous êtes désormais l’heureux propriétaire de cette magnifique villa en plein Arkham, dans un des quartiers les plus tranquilles qui y soient. Je m’en vais pour ma part, mon travail dans cette affaire étant pour l’instant terminé. Bonne soirée à vous et à votre femme, et bonne première nuit ici. » La fraîcheur humide du dehors aidant quelque peu, et le poids de ces derniers propos résonnant en échos alarmants dans les cavernes de mon être, j’expulsai tout l’air et toutes les questions que j’avais en moi dans un court flot de paroles, saccadées et pas toujours aussi claires que je l’aurais souhaité : « Attendez, attendez, attendez ! Tout cela va trop vite pour moi, et je dois vous demander certaines choses : pourriez-vous me donner le numéro de téléphone de votre bureau,  ou bien du domicile de vos employeurs, que je puisse vous contacter si besoin était; et d’abord, comment vous trouver si j’ai besoin de vous pour une raison quelconque ? Qu’est-ce qui vous fait dire que cette partie de la ville est particulièrement calme, et pourquoi ? Cette maison a-t-elle un nom, si oui lequel ? Vous voyez, un numéro où vous joindre serait plutôt utile, je suis certain que demain, la tête moins lourde j’aurai beaucoup plus de choses à vous demander. Enfin, avez-vous de la domesticité à me recommander par ici, qui m’évite d’engager quelque négresse ou n’importe quelle autre créature ignorante ? » Reprenant mon souffle, je m’aperçus que le sourire de mon vis-à-vis s’était encore élargis, découvrant une rangé de dents certes vieillies et ébréchées, mais dans l’ensemble trop pointues à mon goût. Il répondit lentement, détachant bien les mots comme s’il parlait à un imbécile ou bien qu’il se délectait de chacune de ses paroles; il était fort probable que les deux soient également responsables de son attitude : « Ne vous inquiétez pas, M. Warden. D’ici peu, vous ne sentirez plus aucun doute peser dans l’arrière-boutique de votre conscience. Faites-moi confiance. D’ailleurs, je n’ai pas de numéro de téléphone à vous donner, n’en utilisant simplement pas. Si vous vouliez donc me trouver ou que vous cherchiez pour des domestiques, il vous suffirait de vous adresser à vos plus proches voisins, ici-même à Arkham; ils sauront vous renseigner de manière bien plus rapide et efficace que moi. Oh, d’ailleurs, à ce sujet Henri, je me permets d’estimer que vous êtes dans une rue plutôt tranquille et paisible pour la simple raison que presque toutes les maisons qui la bordent sont vides : leurs habitants sont tous morts ou partis, pour des raisons que l’on ne s’explique pas. Ô Arkham, ville aux toits pentus et aux volets tirés, qui abrite les mystères les plus occultes qui soient ! » Profitant de cette tirade et de la surprise qu’elle provoquait chez moi, couplée au mouvement instinctif de recul que l’on a face à un fou ou un illuminé, il partit d’un rire sonore, grinçant mais triomphateur et s’éloigna en sautillant sans grâce sur le petit chemin menant au portail; en le franchissant, il se retourna une dernière fois vers moi et eût un ultime clin d’œil dans ma direction, avant de sortir de mon champ de vision. Bloqué, je restai là à fixer le portail cliquetant et tintant sous l’assaut des rafales de vent et de la pluie combinées jusqu’à ce que j’entende le pas mal assuré de Grace s’approcher de moi. Je rentrai machinalement, fermai la porte et posai mes yeux sur elle; alors que j’allais parler, essayer de reprendre pied dans la réalité ferme avec une thérapie par le monologue, elle dit simplement : « Je veux dormir. » Plongeant mon regard dans le sien, je me sentis vaciller et manquer de perdre mon assiette, aussi bien physique que mentale : je n’y discernais que l’insondable abîme d’une fatigue sans précédent.

Je dormis mal, cette nuit-là. Grace avait sombré dans le sommeil dès que je l’avais installée sur le lit, après l’avoir douloureusement porté dans les escaliers. Elle dodelinait lentement de la tête, de gauche à droite, et ne dit rien pendant toute l’ascension. J’étais passablement las moi aussi, et dépassé par la tournure qu’avaient pris les évènements; une fois mon épouse bordée, je me couchai moi aussi sans me soucier de mes vêtements, bien vite enveloppé dans les couvertures épaisses et moelleuses. Toutefois, malgré le souvenir de l’appel irrésistible du lit avant notre rencontre avec M. Stone, et en dépit de son confort couplé à ma fatigue de plomb, je ne parvins pas à m’endormir. Rapidement en sueur à cause de mes retournements successifs, tirages de draps aussitôt rejetés parce qu’ils m’étouffaient et de mes changements de position, j’avais l’impression que le temps s’était figé autour de moi, et que j’étais le seul dans cette grande maison semblant retenir son souffle. La profondeur du sommeil dans lequel était plongée Grace renforçait mes impressions, qui avaient toute latitude pour déployer leurs ailes dans l’obscurité de la chambre et pour finalement gratter à la porte, que je trouvais horriblement mal placée. Et pourtant, bien que tout ceci donne une image de moi déçu et superstitieux, j’étais à ce moment extrêmement satisfait en mon for intérieur, et mon bonheur instinctif combattait puissamment le pessimisme lié à ma nature et à cette affaire particulière, qui tentait de se faire entendre. Irrésistiblement attiré par l’air de cette maison, charmé par ses atours anciens et un peu défraichis, je m’imaginais y vivre en grand seigneur isolé, rendu inapprochable par l’étrange aura qui semblait l’entourer. Mes sentiments, contradictoires, circulaient par vagues successives, élans impulsifs violemment repoussés, crue incontrôlable d’une passion ne m’appartenant pas précédant un soudain abattement et une forte répulsion. J’en vins même à ne plus discerner les moments où mes dents s’entrechoquaient par peur de ceux où je gisais, tranquille et apaisé. Quand le sommeil me cueillit enfin, je ne m’en rendis pas compte, et il me sembla même que ce n’était que le prolongement de mon calvaire doucereux de toute la nuit. J’étais dans cette même chambre où je m’étais couché quelques heures auparavant, mais elle ondulait dangereusement, ses murs ondoyant me renvoyant d’étranges reflets aquatiques tandis que je flottais dans une fumée incolore. Je me rendis compte que je me déplaçais lorsque je vis défiler les différentes salles que nous avions exploré durant la soirée, peuplées d’esprits et de feux-follets en tous genres, luisant doucement comme si les étoiles avaient plongé au fond de l’océan. Elles étaient aussi transfigurées, et me paraissaient être quelques magnifiques annexes d’un palais céruléen oublié et englouti; tout y était en suspension, comme porté par quelque flot stagnant et invisible. J’entendais des voix, des murmures, les chœurs variés d’une multitude indiscernable, qui remontaient lentement jusqu’à moi pour me caresser ou me pincer, bulles évanescentes qui se perdaient dans les eaux mouvantes du dessus. Partout sur les murs, au plafond et au sol s’était répandu un tapis de champignons à la phosphorescence blanchâtre, dont la chair molle et gluante  s détachait parfois pour former d’étranges ballets d’aussi étranges petites méduses végétales. Je puis aisément me souvenir de l’intensité de ce songe contemplatif, et je dois vous dire que j’en ressens encore la toute-puissance écrasante. Il ne s’agissait pas de rêver tranquillement, ou de suer dangereusement sous la menace d’un cauchemar passager; je vous parle d’un voyage onirique vibrant, pénétrant, qui inondait mon âme et me donnait le sentiment d’effleurer du bout du doigt les contours d’une vision impossible à saisir dans son immensité. J’étais en effet entre-temps sorti par une soudaine accélération, et le paysage qui s’offrit à moi complétait de manière effrayante le tableau intérieur : la maison, grandie jusqu’à en devenir cyclopéenne, taillée dans d’abominables blocs monolithiques trônait au milieu d’une plaine sous-marine sans fin, coupée ça et là d’immenses et terrifiantes montagnes, dont les effroyables pics et les absurdes déclivités évoquaient les mâchoires insatiables de quelque gueule béante, impossible à définir. La bâtisse, isolée, palpitait encore de cette sourde lueur que j’avais entr’aperçue plus tôt dans le couloir, et qui était la seule source de lumière dans ces plaines obscures. Elle me faisait penser à la luminescence malsaine de quelque poisson aveugle des profondeurs, tentant d’attirer ses proies décharnées et de satisfaire ses appétits cannibales. Devant la bizarrerie et l’aspect malsain d’un tel panorama, je fus pris d’une panique compréhensible, et essayai alors vainement de me réveiller. Je voulus prendre conscience de mon corps, afin de me suggérer la réalité, dissipant ainsi peu à peu les brumes du songe, mais n’y parvins pas. Dans l’angoisse et l’inertie les plus totales, je me vis descendre lentement, tel une feuille morte, vers le fond informe et indicible qui gisait sous moi. Implacablement, sans aucun contrôle possible, je descendais toujours plus, jusque dans les noirs abîmes m’appelant vers un monde de merveilles et de gloire. Ce n’est que lorsque mon cœur emballé et oppressé me sembla sur le point de lâcher que je fus brusquement ramené à la réalité, collé à mon séant, sec comme le désert et glacé. Je vous le dis inspecteur, il ne s’agissait pas d’un froid naturel : ma peau était semblable à du marbre en hiver, et je la sentais parcourue d’un frisson permanent. Oh, que je souhaiterais n’avoir jamais mis les pieds là-bas !

Cendres grimaud, ou l’escholier chronaxique

Posted in Réalités brumeuses; horreur au vitriol du quotidien on février 5, 2010 by Cendres

La nuit m’engouffre. Sous le rideau de pluie, fin comme une chevelure éparse, je contemple les lumières naturelles s’éteindre peu à peu, tandis que l’éclairage blafard des réverbères commence son oeuvre. Les quelques rares passants, déambulant semble-t-il au hasard, se teintent d’une aura légère, poussiéreuse. L’expression de mon existence, de mon identité ne passe plus que par la fumée glacée qui suinte de mes voies respiratoires. Les voitures, dans des feulements ralentis, défilent imperturbablement, sous mon oeil torve. Le froid est partout, s’infiltre par tous les interstices de ma veste, gèle mon crâne et mes pensées. Le bris est partout, le bruit nulle part. Je me mets en marche, instinctivement, horloge vivante au service d’une possible amélioration de ma condition. Les rues sont désertes, tandis qu’une multitude de fenêtres s’éclairent, en une parfaite sarabande, vides de toute présence humaine, pleines de la résonance de leurs silences successifs. Je passe sous ces enfilades de petites filles muettes, yeux aguicheurs qui roulent et lorgnent à mon passage, tandis que le monde se resserre derrière moi. Mes pas se tordent sur le sol, tandis que des phrases me vrillent le crâne, foudroient mes yeux et s’enfuient déjà au loin. Immobilisation. Je n’ai plus qu’à l’attendre, examinant en silence mes muscles faciaux raidis, tandis que le tourbillon des éclatements unicolores continue : les rayons lumineux se transpercent les uns les autres, se croisent et s’ignorent, tandis que je tente désespérément de lever les yeux, afin d’apercevoir autre chose que cette morosité aux écussons de tôle, de diodes et de gigots ligotés à leurs précieuses possessions. En vain, les tours me barrent la vue. Sales, elles procèdent d’une coquetterie surannée et rivalisent avec les ruelles qui les entourent. Un gigantesque caniveau, pour les eaux usées, voilà ce que sont les vies de tous ces gens.

Enfin, elle arrive. Spectre grandissant d’un espoir renouvelé, elle se fraie non sans lourdeur et manque de grâce un chemin dans la cohue urbaine, pour venir s’arrêter dans des grincements fatigués, devant moi, eux et moi. Je monte, je grimpe, j’escalade, je pénètre. Des gamines qui lisent Nietzsche, voilà ce qui se prépare. Voilà ce qui accapare les ressources et les énergies. De petites bourgeoises qui se dopent à l’inefficacité prouvée, à l’imitation médiocre. Orphique et gluant jardin des réalités, phalanstère d’appétences métaphysiques. Schopenhauer vaut bien plus le détour. Je m’enfonce dans les entrailles du vaisseau, heurtant au passage sensibilités et entités corporelles plus concrètes. Je remarque en premier lieu l’obscurité bienvenue, salvatrice. Je m’échoue dans le fond de ce magistral et antique léviathan, coincé entre le vide et la mince paroi d’une vitre, froide et attirante. Le corps de transport s’ébranle, tandis que mes pensées s’envolent déjà, se projetant en avant de mon déplacement, traçant une succession d’images que mon cerveau engourdi s’empresse de diffuser à l’ensemble de mon corps. Absinthe douloureuse, le voyage s’instille en moi dans un douloureux rappel, et je peux enfin me laisser aller. Figé, je glisse sur les voies désertées, sur les murs délabrés et les ponts habités. Mes yeux s’attachent à dérober tout ce qui fait figure d’image, tout ce qui fait preuve de l’audace incroyable d’être situé dans l’immédiat de mon champ de perception. Le bitume défile.

Mes globes oculaires se durcissent, mes paupières semblent se cristalliser. Lourd est mon esprit, lourds les ronronnements fielleux du moteur, et la plaie béante que je parcours s’étire sans fin. Je tombe, je chute, je perds. La somnolence m’envahit peu à peu, tandis que je suis décongelé comme le dernier des quartiers de viande au monde. Décongelé, et sitôt mis en examen. Peu m’importe, je brave cette épreuve, je blase cette iniquité. Je survis dans la brume. Je m’enfuis, m’escrimant par derrière, captant des bribes d’images éthérées qui ne correspondent à rien. Le rouge m’entoure, m’agresse, me saute au visage, envahit ma masure d’ombres tranquilles, me laissant émettre un grognement. Incontrôlé. Personne ne bouge dans l’appareil digestif du monstre de métal, de mauvais composants et de tuyauteries mal conçues. Amorphes, les autres le sont tout autant, à l’exception de deux personnes, riant de manière hystérique. Leurs hoquets assourdissants se heurtent au mur moite qui m’entoure, simples résonances mates contre les tampons d’ouate qui me vandalisent les oreilles et tentent de conquérir définitivement mon crâne entier. Sans frémissement ni souplesse, je me tourne et me dresse . Nous sommes bloqués, au milieu de la délinquance sonore, visuelle et olfactive, au milieu des peintures rupestres de la régression urbaine, au milieu du délassement de la fin de semaine chez les civilisés, de son début pour les primitifs de la conception hebdomadaire. Tout se déroule sous mes yeux comme dans un film en accéléré, sans les musiques de fond, tandis que nous redémarrons. Tout en sinuant, la vitesse s’emporte et m’ôte mes derniers points de repère ; le monde extérieur n’est plus qu’une agglomération de flashs, un enchaînement de continuités et de ruptures, magiques, superbes et banales, vomitives à vrai dire. Ma transe méditative s’accentue. Nous heurtons le mur de la raison.

J’ai du mal. J’étouffe. Le peu de chaleur, loin d’être volontariste, n’est pas suffisant pour ramener le transi de l’intérieur que je suis à la vie. Cela me rappelle le métro, bien avant même d’avoir à l’emprunter dans ses méandres souterrains. Devant moi s’étalent les splendeurs d’une ville qui n’est ni en France, ni la France. Le béton, perché partout, débordant, dégoulinant des collines, semble s’insinuer en moi à chacune de mes respirations, m’attachant toujours plus à lui, son histoire et ses déboires. Je suis au diapason des couleurs minables qui se promènent de toit en toit. Traits fuligineux lancés à la face du ciel, dans un désir ardent de l’insulter, les poubelles brûlées sont l’encens d’un monde en pleine sacralisation permanente de son horreur. De sa vacuité. Les rambardes s’effondrent, et déjà des sirènes se font entendre. C’est la cinquième fois, me chuchote perfidement mon inconscient. Peu m’importe. Les rampes s’engouffrent dans la ville, véritables tubes perforants qui unifient ses abords et son centre, procédant de la non distinction évidente que produit cette métropole brûlante entre toutes. La cadence ralentit, tout sourd, mais plus lentement ; dehors, les barres s’avancent, oscillent d’avant en arrière, préparant la sortie de leur progéniture maudite. Je ne sais plus que me dire. Il me faut pourtant me mentir, bloqué que je suis dans une attitude contemplative suicidaire, Christ en croix ignorant, passion vécue avec indifférence et oubli. Je suis mené ad absurdum, mais ce n’est qu’un pas de plus si l’on y réfléchit attentivement. Car la porte est proche, très proche, et il faudra bientôt replonger. Brasser dans le froid liquide, nager dans le temps palpable, humer l’air et les ères. Nous sommes demain soir, et mon regard erre dans le reflet des vitres. Piédestal déployé, portes du royaume céleste entrouvertes, je me glisse dehors, marmonnant d’incompréhensibles sermons dans une barbe inexistante, tandis que mes pas m’entrainent vers les intestins du monde, les boyaux de la fin du droit, les descentes fantasmatiques vers des ailleurs aveugles, d’infatigables mineurs, de répugnants troglodytes.

Les humains ne sont pas là. Il y en a peu, les rues sont noires. Groupes désunis, solitaires trop nombreux, même les chiens mendient ici. Je me rends compte que mon poing saigne, trop de froid tue le froid, l’insensibilité m’a fait ne pas sentir les quelques heurts précédents. Pensif, je tète avidement ce fluide ferrugineux qui semble vouloir échapper à ma juridiction sur moi-même. La voilà, la véritable plongée aux Enfers, tandis que mes jambes vibrent à l’unisson de mon coeur, et accessoirement de mon portable, sympathique accessoire de cancer que je tiens au plus près possible de mon vît. Vendu pour vendu, les néons d’un blanc électrique m’assaillent déjà, et me poussent à hâter le pas vers la migraine des mondes inférieurs. L’escalator me fascine alors : vide, il procède à des révolutions permanentes, inlassables, et vient s’échouer à mes pieds dans une dignité raidie qui me fait l’assimiler à un Charlie Chaplin mécanisé. M’arrachant au lugubre et sinistre imitateur, je saute les nombreuses marches pour avoir l’impression de la dislocation ; mais le froid n’a pas encore vitrifié mes os dans leur fragilité, et c’est simplement le mur qui m’amortit, un mur orné de carreaux salaces, d’une couleur passée aux relents de sueur et de lubricité. Toujours personne, mis à part mon double qui tape sur une machine dans un coin. Je saute les postes de contrôle, je me sens l’âme d’un réfugié, manquant d’achever ma folle course face contre terre, tandis que j’observe le plafond qui m’accompagne dans la déclivité des escaliers, et que derrière moi s’élèvent des voix criardes, rauques et indignées, que je perçois comme lumières bilieuses. Peu importe, je suis en bas, et par chance, le métro serpentin est là. Bondissant, craquant, je me précipite dans cette guirlande suant l’urine et puant la peur, tandis que derrière moi le choc sourd de l’effacement au monde me provient.

En un éclair, une secousse, un cri un appel au secours, je suis avalé. Les visages disparaissent, et je chevauche l’idolâtrie. Plus de tournants, plus de ralentissements. Et déjà, je m’endors.

A Lovecraft dream – video

Posted in Onirisme & rêverie réaliste on février 4, 2010 by Cendres